Au revoir, Commandant Abyss 24/10/2021

Au revoir, Commandant

A quelques jours du prochain N7 Day et d’hypothétiques informations sur le prochain épisode de Mass Effect, il est temps pour nous de clôturer un important chapitre de notre site.

La Voie Lactée ne nous aura jamais fait autant vibrer qu’au cours du périple de Shepard et son équipe contre les Moissonneurs. D’Eden Prime à la Citadelle, de Virmire à Ilos, d’Horizon au relais Omega-4, d’Illium à Omega, de Palaven à Thessia ; le voyage fut long et pourtant si bref. Si bref et si brutal dans sa conclusion que l’amertume qu’il nous laisse nous oblige presque, de temps à autres, à recommencer l’aventure et, cette fois peut-être, trouver le moyen de tout arranger…

Mais, après la sortie de l’Edition Légendaire et 13 dossiers sur la trilogie Shepard, nous voila enfin prêts à remettre le cap sur cette bonne vieille Terre pour y amarrer définitivement le Normandy ; non sans revenir sur quelques points importants qui ont fait de Mass Effect le monument qu’il est devenu au cours de ces dernières années.

« Je crois qu’il est temps de vous ramener à la maison, Shepard »

Garrus

Un monde vivant

Mass Effect c’est avant tout un univers.

Bien avant l’épopée Shepard, l’Histoire de la Voie Lactée a fait l’objet d’un titanesque travail de fond qui a permis d’en définir la ligne du temps, les espèces ainsi que leur environnement socioculturel, le poids politique des forces en présence et tant d’autres détails qui donnent corps à ce monde fictif. Afin d’amplifier le sentiment d’appartenance du joueur à cette Voie Lactée futuriste, Mass Effect utilise principalement deux artifices que nous allons détailler ici.

Le premier d’entre eux est lié à un concept littéraire appelé « schéma narratif » selon lequel un récit commence par l’incipit (la situation initiale) avant d’arriver à un élément déclencheur qui lance l’histoire jusqu’à son climax et sa résolution. Dans Mass Effect, le récit débute en réalité directement par l’élément déclencheur : l’attaque geth et la balise d’Eden Prime. Cet élément déclencheur donne d’emblée du rythme à l’histoire. La situation initiale est quant à elle vaguement narrée par quelques lignes qui se contentent de décrire les débuts de la conquête spatiale humaine … mais pas un seul mot sur le passé de Shepard ni sur le contexte global dans lequel s’écrira l’histoire à vivre en tant que Shepard.

Après tout, Shepard…c’est vous, un N7 baignant depuis la naissance dans ce monde cosmopolite nimbé de la lueur de milliers d’étoiles et composé de dizaines d’espèces aliens. De fait, La narration présuppose que vous savez tout de cet univers mais lors de votre première partie c’est bien entendu totalement faux. Il en résulte une dissociation du point de vue narratif de Shepard par rapport au joueur/joueuse qui l’incarne et dans laquelle l’avatar en jeu en sait plus que la personne qui le dirige. Ce procédé est évidemment utilisé à dessein. Son but est tout simple : vous forcer à vous intéresser au monde dépeint dans Mass Effect et à le découvrir de manière active; rien ne vous est servi sur un plateau ; c’est à vous de lire les informations du codex, des datapads, d’écouter les divers intervenants et de prendre position en fonction des connaissances à votre portée à ce moment là. C’est de cette manière que le jeu incite à vraiment incarner Shepard : en apprenant de lui et par lui au sujet de cet univers vaste et tangible.

Et c’est précisément le deuxième pilier sur lequel repose la trilogie : la cohérence et le soucis du détail qui permettent presque d’effleurer du bout des doigts l’imaginaire. Cette cohérence d’ensemble est renforcée par l’immersion procurée par l’expérience en jeu ; plus particulièrement la gestion des quêtes annexes (comme tout bon RPG qui se respecte) qui ne sont ni intrusives ni directives comme la plupart des autres productions. Elles s’obtiennent en déambulant et en écoutant des conversations qui ne sont pas forcément destinées à Shepard et ne répondent jamais à des critères quantitatifs quant à leur résolution (les fameuses quêtes FEDEX dans lesquelles il faut ramener dix hamsters de l’espace). Ce procédé permet de ne jamais avoir l’impression de jouer à un jeu mais plutôt de le vivre pleinement, d’être immergé dans un univers plutôt que de l’arpenter en quête d’actions à accomplir.

Compagnons de route

« Et parfois, j’ai peur qu’il oublie qu’on est beaucoup à attendre son retour, parfois à en perdre le sommeil. »

Anderson

Si Mass Effect 1 posait les bases de la saga d’un point de vue narratif, c’est bien Mass Effect 2 qui donnera à la trilogie ses lettres de noblesses en ce qui concerne le volet sentimental. Bien entendu, le gameplay amélioré depuis le passage de Bioware chez Electronic Arts n’est pas étranger au succès commercial de cet opus mais ce qui a définitivement consolidé la communauté de fans autour du titre « Mass Effect » c’est sa passion débordante pour le commando de Shepard.

Mass Effect 2 se veut effectivement en totale rupture avec son prédécesseur, plutôt axé sur la découverte de la voie lactée et l’amorce d’histoire au sujet des Moissonneurs. L’attaque et la destruction symbolique du Normandy SR-1 ainsi que la perte présumée de Shepard en est le reflet le plus flagrant ; comme le souligne à juste titre Nicolas Domingue dans son ouvrage « Mass Effect : A la Conquête des Etoiles. ». Dans cet épisode, considéré par beaucoup comme le meilleur de la série, Shepard est coupé de son affectation militaire, d’Anderson et Hackett. Il devient le seul maitre à bord et l’ambiance intimiste du Normandy SR-2 permet de le rapprocher plus encore du commando qui sera le sien.

Mass Effect 2 est, sur ce point précis, le véritable cœur de la saga car il met en avant les relations entre les membres d’équipage et va forger durablement l’attachement envers les divers protagonistes. Les dialogues bien écrits et les missions de loyauté contribuent à rentrer d’autant plus dans la sphère privée des compagnons de Shepard et leur insuffler de la vie. Hauts en couleur, particuliers, loyaux, marginaux, ils ont tous ce petit quelque chose qui les rend uniques et chacun d’entre eux manifeste progressivement de l’affection envers Shepard (et inversement) ; s’il prend la peine de les écouter.

En vérité, ce mécanisme ne diffère pas vraiment de l’apprentissage actif de l’univers de Mass Effect. Apprendre à connaître ses alliés demande de la patience et l’envie d’écouter des dialogues parfois longs de plusieurs minutes. En contrepartie, l’implication que nécessite cette démarche vient elle aussi rajouter de la profondeur à la narration et complexifiera la résolution de problèmes, autrement plus simples, dans le troisième opus.

Ecrire son histoire

L’univers étoffé de Mass Effect est une splendide toile de fond sur laquelle viennent se greffer des personnages aussi brillants que les Mondes-édens qui la compose. Ensemble, ils offrent des repères théoriques et émotionnels qui gravitent autour de ce qui constitue l’essence de la trilogie : les choix.

Ils sont qualifiés le plus souvent de « moraux » mais il ne s’agit que d’un adjectif qui aide à comprendre leur portée. La plupart d’entre eux vont en effet impacter les différents opus de la trilogie ; avec en point d’orgue Mass Effect 3. Malgré cette notion de moralité cachée derrières les options conciliantes ou pragmatiques, le jeu ne considère aucun des choix de Shepard comme étant fondamentalement mauvais ou bons. Les arguments d’un Shepard qui ne souhaite pas relâcher la Reine Rachni dans Mass Effect 1, conserver la base des Récolteurs dans le deuxième épisode ou même saboter le génophage dans le troisième pèsent autant dans la balance que leur version conciliante.

Comme écrit plus tôt, la prise de position par rapport aux choix dépend intrinsèquement des informations reçues au préalable et la manière dont elles sont interprétées. Malheureusement, seule la première partie permet de réellement choisir et vivre son aventure à l’aveugle, sans influence des critères de préparation galactique de Mass Effect 3 ou encore des conséquences connues de tel ou tel choix. Nuançons que, même en connaissance de cause, certaines décisions sont tout de même complexifiées par l’affect envers les membres du commando. La mission, auparavant professionnelle, devient à l’heure du choix bien plus personnelle que désirée. Difficile, en effet de trahir (ou de ne pas être d’accord avec) Wrex, Tali, Samara, IDA, Légion et Mordin ; parfois en dépit du bon sens.

Le point final

Tous les chemins de Mass Effect mènent au Catalyseur. Les choix antérieurs ont certes construit la route de Shepard mais ils ne peuvent en dévier l’axe. Comme en évidence, résonnent les paroles prophétiques de Sovereign prononcées sur Virmire.

« Nous sommes inévitables. »

Et en effet, la fin passera par les Moissonneurs, quoi qu’il arrive. Ils ont passé bien trop de millions d’années à façonner la galaxie pour en être exclus lors des dernières négociations.

Mais parler de l’une des fins les plus débattues du monde des jeux vidéos n’est pas chose aisée. La plupart d’entre nous espérait une fin épique similaire à la Mission Suicide, une fin où tout le monde s’en sort, dans laquelle le grand méchant est vaincu et les gentils triomphent. Mais il n’en fut rien. Et tant mieux, car elle aurait rendu le clap de fin bien insipide et similaire aux productions hollywoodiennes à grand budget.

Au contraire ; parce qu’il n’y a ni gentils ; ni méchants dans Mass Effect, il n’y a pas besoin de confrontation symbolique lors de son grand final. Si Mass Effect nous apprend bien une leçon c’est que les notions de bien et de mal sont assujetties à la vision globale, au dessein de celui qui agit. Parce qu’en réalité, malgré toutes les horreurs commises par Saren, l’Homme Trouble, Cerberus et les Moissonneurs, aucun d’entre eux n’a le sentiment d’avoir fait le mal.

« Il n’y a pas de guerre. Seulement la Moisson. »

Jack Harper pense défendre les intérêts humains, Saren ceux des Turiens (et plus tard, la galaxie entière) et les Moissonneurs se targuent de préserver la vie contre elle-même. Ce n’est pas tant leur but que la manière de procéder qui fait pencher la balance d’un côté comme de l’autre en fonction du point de vue. De la même façon qu’un Shepard pragmatique peut tirer dans le dos de Mordin pour atteindre le but qu’il pense être le bon, les antagonistes de Mass Effect poursuivent la même logique, ce qui a pour effet de compliquer davantage la dernière séquence.

Il est donc presque naturel que la trilogie se clôture sur un choix idéologique plutôt que moral et que peu importe la couleur que Shepard choisira et en dépit des pertes à assumer…il sera toujours gagnant.

« J’imagine qu’un bon chef est quelqu’un qui place la vie de ses hommes au dessus du succès de la mission…mais qui comprend que, parfois, les conséquences de l’échec d’une mission sont plus graves que la perte de ses hommes. »

Amiral Anderson

Conclusion générale

Mass Effect est plus qu’un jeu.

La beauté de son univers, accompagné de musiques inoubliables et de personnages incroyablement touchants aura rassemblé une fanbase mondiale capable d’entretenir le mythe durant plus de dix ans. Le haut de l’affiche des ventes occupé des semaines par l’Edition Légendaire en 2021 n’est pas le fruit du hasard mais simplement le résultat de l’incroyable passion qui anime tous les amoureux de la saga.

Mass Effect reste encore de nos jours un des rares jeux capable de littéralement nous transporter dans cet ailleurs si réconfortant, ce monde dans lequel vivent véritablement ces personnages qui ont accompagné un long moment de nos vies. Depuis le premier saut cosmodésique en compagnie de Joker, en sommes-nous seulement parti un jour ?

Gageons que Mass Effect nous accompagnera encore très longtemps et que la trilogie originale sera jouée par de nouvelles générations de joueurs jusqu’à rentrer dans la prestigieuse catégorie des jeux mythiques et indétrônables  du paysage vidéo-ludique.

Gageons que Mass Effect ne pourra pas être oublié, qu’il atteindra le but que toute œuvre humaine cherche à atteindre et que, du haut de son piédestal, il puisse à tout jamais…

Embrasser l’Éternité.

Notes personelles

Permettez-moi de vous remercier, ami.e.s lecteurs.trices de m’avoir accompagné jusqu’ici.

Lors de l’élaboration des dossiers, j’ai tenté de mon mieux de magnifier l’œuvre « Mass Effect » en mettant en avant son incomparable richesse de contenu. J’ai aussi souhaité remettre dans l’ordre et romancer, différemment qu’un simple wiki, les éléments du background les plus évasifs ; comme les Butariens par exemple.

J’ai, en tous les cas, pris énormément de plaisir à vous écrire ces textes et j’espère sincèrement qu’il en a été de même pour vous au cours de vos lectures.

De nouveau, je vous remercie pour votre attention ainsi que vos commentaires sur les nombreux réseaux de Mass Effect Universe.fr.

Quant à moi, je ne vous dis pas adieu mais à bientôt.

Bientôt ; à peine 600 ans pour être précis. Dans Andromède.

Je vous revois de l’autre côté.

Abyss.