Une fin, une fois pour toutes : analyse des fins de Mass Effect 3 Abyss 25/05/2021

Une fin, une fois pour toutes : analyse des fins de Mass Effect 3

Préambule : Cette analyse est un exercice de style qui tente de mettre en avant une fin logique parmi les quatre fins proposées par Mass Effect 3. Elle n’a pas pour but de dénigrer celles et ceux qui considèrent l’une ou l’autre fin comme étant la leur. Toutes les fins sont, jusqu’à preuve du contraire, canoniques. Cet article contient évidemment des spoilers majeurs.

La trilogie Mass Effect est conçue comme un grand arc narratif qui suit une logique appliquée à la plupart des grandes productions cinématographiques et littéraires : une introduction, une chute du personnage principal, les actions entreprises pour se relever et enfin le grand final qui permet de résoudre l’intrigue.

Mass Effect a ceci de particulier que sa fin ne pouvait être unique, dans la mesure où l’entièreté de l’aventure est une succession de choix initiés dès les premières minutes de jeu. Dès lors, il était nécessaire de concevoir plusieurs fins susceptibles de répondre à une large gamme de joueurs en fonction de la direction donnée à leur histoire mais aussi selon leur sensibilité face aux thèmes abordés.

Pourtant, comme toutes les œuvres, il existe dans Mass Effect une piste, une colonne vertébrale qui soutient une seule et unique conclusion de manière plus cohérente que les trois autres.

« Ne vous préoccupez pas de ce que les autres pensent. Faites ce que vous devez. »

Javik

I. Ce que nous raconte Mass Effect

Mass Effect 1 dresse d’emblée le constat d’une galaxie traumatisée par deux incidents majeurs : la Rébellion Krogane et la Guerre de l’Eveil des Geth sur Rannoch.

La quête secondaire à propos de l’IA qui se fait exploser sur la Citadelle donne le ton de ce que sera la thématique principale de Mass Effect : l’incompréhension entre les organiques et les synthétiques.

Pour imager ce conflit latent, le parcours de Shepard dans Mass Effect est jalonné de combat contre des IV ou des IA défaillantes et surtout les Geth, bien entendu. Cette dissonance, ce chaos sera la pierre d’achoppement servant de prétexte au Catalyseur pour lancer la première Moisson.

Plusieurs millions d’années plus tard, le conflit se perpétue et se confirme tout au long de la trilogie. L’IA rebelle de l’Alliance dans Mass Effect 1 sur Séléné (on apprendra plus tard qu’il s’agit d’IDA) , les Herétiques Geth qui sèment la terreur chez les organiques durant les 3 épisodes, des débats houleux entre Quariens concernant la guerre contre les Geth et les révélations de l’IV prothéenne Vendetta et Javik lui-même ponctuent le récit et abondent dans le sens d’une guerre ouverte inévitable entre synthétiques et organiques.

A la fin du premier épisode, Saren dévoile une solution sous la forme d’une synthèse entre éléments organiques et synthétiques (à son image), une évolution logique selon lui mais son discours sonne creux puisqu’il est clairement manipulé par Sovereign. Son apparence finale, monstrueuse, parachève de déconstruire ses arguments.

Le sauvetage de la Citadelle permet également de mettre en évidence que les espèces organiques (conciliennes, dans un premier temps) sont capables de se réunir sous une seule bannière lorsque les enjeux les dépassent.

Mass Effect 2 brouille ensuite les pistes en introduisant des thématiques plus réflexives, moins manichéennes au sujet des Geth et de la vie synthétique en général grâce à l’intégration de Légion et IDA sur le Normandy. Les Geth ne sont plus uniquement les grands méchants robots de Mass Effect 1 mais un peuple à part entière qui se révèle plus attachant. IDA, en s’affranchissant des brides de sa bluebox quantique devient capable d’agir de manière autonome et sa première action sera de sauver le Normandy et Joker.

On découvre également en détail le destin funeste des Récolteurs ; véritables pantins prothéens entre les mains des Moissonneurs. Leur étude réalisée par le Professeur Mordin Solus sera des plus importantes pour la suite de l’analyse des fins de Mass Effect.

Le second opus se conclut par la divulgation des véritables intentions de l’Homme Trouble : contrôler la technologie des Moissonneurs pour transcender la nature humaine et rendre à son espèce la place qui devrait être la sienne dans la galaxie.

Enfin, Mass Effect 3 se veut l’aboutissement de tous les arcs narratifs évoqués, permettant de rallier idéalement toutes les espèces organiques et synthétiques contre leur ennemi commun : les Moissonneurs.

Il nous donne également l’occasion d’apprendre ce que sont réellement les Moissonneurs et quelles sont les atrocités commises par leurs soins dans le cycle précédent via les douloureux souvenirs de Javik.

II. L’heure du choix… Vraiment ?

Le Catalyseur collecte la vie organique et la transforme en Moissonneur depuis des temps immémoriaux. C’est sa solution pour la préserver d’elle-même car ses calculs mènent toujours à l’anéantissement total de la vie organique au profit des synthétiques.

Vous voila donc au pied du mur, face à lui. Et il vous offre 4 choix qui remplaceront sa solution désormais vétuste suite à la création du Creuset ; qui ouvre de nouvelles perspectives.

  • Le refus/libre arbitre : vous abandonnez mais  vous laissez une chance aux futures générations de vaincre les Moissonneurs
  • Contrôle des Moissonneurs
  • Synthèse de la vie organique et synthétique par le biais d’un ADN commun
  • Destruction des Moissonneurs et par extension, des Relais Cosmodésiques et de toute vie synthétique dans la galaxie

La pièce dans laquelle vous vous trouvez incite à la réflexion. Isolé(e) du reste de la galaxie qui se bat sans discontinuer devant vos yeux, vous êtes témoin de la manière dont le Catalyseur voit le monde : loin de toute réalité organique, il ne comprend pas l’horreur qu’il inflige à vos pairs. Il suit un but, son but, sans haine mais sans pitié également.

De tous les choix qu’il vous propose, deux d’entre eux ne concordent pas avec la logique appliquée à l’univers de Mass Effect et vos péripéties : l’abandon et le contrôle.

Abandonner la galaxie à son sort n’a pas de sens. Mass Effect 3 est une ode à l’instinct de survie, une bataille contre l’impossible, l’inévitable dont parlait Sovereign, 3 ans plus tôt. Toutes les espèces de la galaxie se sont assemblées pour combattre et se libérer du joug de l’oppresseur. Baisser les bras si près du but est totalement à l’opposé de la nature de votre quête et de celle du Commandant Shepard.

Le contrôle, quant à lui, a maintes fois démontré ses limites. Toutes les tentatives avant et pendant la trilogie se sont soldées par de cuisants échecs.

Javik ne manque pas de vous prévenir à de nombreuses reprises sur le Normandy au sujet de la fourberie des machines. Il vous parle notamment des Zha’Til, une espèce synthétique qui a pris complètement le contrôle de ses créateurs lors du cycle précédent.

Mais le plus bel exemple est bien entendu l’Homme Trouble qui a été très loin dans ses expériences et en particulier sur ses troupes d’assaut. Il termine sa vie avec, certes, un pouvoir de contrôle total grâce à ses augmentations dérivées de la technologie des Moissonneurs mais au prix de nombreux crimes et de son libre-arbitre.

Dès lors, pourquoi et comment faire confiance à une IA qui vous demande de détruire votre enveloppe corporelle afin de prendre le contrôle des Moissonneurs ?

Il n’y a tout simplement pas de réponse car aucun fait dans la saga ne vient étayer les dires du Catalyseur. De surcroit et comme le souligne l’excellent ouvrage « Mass Effect : A la conquête des étoiles » de Nicolas Domingue la musique accompagnant la cinématique, quel que soit votre alignement, est lourde, tendue et n’inspire pas confiance ; un indice évident quant à la nature de ce choix pour le moins particulier.

III. Prendre en main son destin

Après avoir écarté les deux premières propositions, il ne nous reste plus qu’à déterminer qui de la Synthèse ou la Destruction l’emporte.

Sur le papier, la Synthèse permet de clôturer l’intrigue de la plus belle des manières : sauver la galaxie et mettre un terme au conflit entre synthétiques et organiques. Elle permet en outre de conserver la technologie des relais. Le prix à payer est le sacrifice de Shepard.

La Destruction, elle, est beaucoup plus difficile à choisir car elle implique de donner la mort à IDA et aux Geth (s’ils font partie de vos alliés) ainsi que de détruire (ou endommager, selon votre niveau de préparation galactique) la technologie qui porte en avant la galaxie depuis des millions d’années : les relais.

Pourtant, votre but a toujours été de détruire les Moissonneurs. Toutes les personnes qui vous ont emmené ici se sont sacrifiées en ce sens…d’où vient cette hésitation qui s’insinue en vous ?

La réponse tient en plusieurs points.

Premièrement : vous êtes endoctriné !

Vous, pas Shepard mais bel et bien vous ; le(la) joueur(euse).

Au terme d’une trilogie qui dépeint des ennemis synthétiques à affronter dans Mass Effect 1, à comprendre dans Mass Effect 2 et à aimer dans Mass Effect 3…vous voila piégé(e) par le scénario.

Légion et IDA sont devenus des personnes à part entière, des amis et la simple idée de les détruire devient insupportable. Le but initial, la mission qui se résumait à « comment détruire les Moissonneurs » devient « comment sauver les personnes qui me sont chères ».

Voila comment le scénario subtil de la trilogie vous fait glisser lentement d’une mission d’envergure galactique à une mission bien plus personnelle. Et comme le disait si justement Mestre Aemon dans Game Of Thrones :

« L’Amour c’est la mort du Devoir. […] Parfois, le Devoir c’est la mort de l’Amour »

Ensuite, la Synthèse présente l’avantage non négligeable de ne pas endommager ou détruire les relais cosmodésiques. Si vous choisissez la Destruction, par contre, vous plongez la galaxie dans le noir et le silence en handicapant sérieusement les voyages SLM mais aussi les communications SLM qui, pour rappel, transitent elles aussi dans des couloirs sans gravité générés par les relais.

Pour autant, la Synthèse est-elle vraiment le bon choix ?

C’est évidemment la solution la plus confortable sur le plan moral. Vous vous sacrifiez héroïquement au profit des autres, en particulier vos amis synthétiques.

Happy End ?

La réponse est non.

La synthèse est la solution du Catalyseur et non la vôtre. Plusieurs synthèses imparfaites ont lieu durant l’aventure, dont celle de Saren bien entendu mais aussi celle de David Archer du projet Suprématie de Cerberus. Jusqu’à présent la synthèse intermédiaire la plus aboutie est celle des Moissonneurs qui utilisent le matériel génétique des organiques dans un corps purement mécanique.

Pour autant, ils ne représentent pas une évolution mais plutôt une régression et plus précisément, une stagnation.

C’est ce que vous dit Mordin Solus dans Mass Effect 2 lors de son étude des Récolteurs. En effet, les Récolteurs ne sont plus des êtres conscients. Clonés à l’infini, leur facultés sensorielles et cognitives sont peu a peu remplacées par des senseurs : c’est un peuple mort, sans art, sans culture.

Or, ne peut-on pas dresser le même constat pour les Moissonneurs ? Bien qu’évolués, ils ne valent dans les faits pas mieux que leurs laquais, Récolteurs et Zombies en tout genre. Ils n’ont pas de culture, pas d’art et n’ont d’autre but que celui d’obéir au Catalyseur et moissonner la vie inlassablement.

L’autre argument, celui qui tient le plus à cœur au Professeur Solus, tient dans le fait que toute avancée technologique majeure introduite au mauvais moment dans une civilisation mène au chaos. Il prend l’exemple des Krogans, guidés par les Galariens et aboutissant au Génophage.

La balance socio-technologique, une fois rompue, empêche une civilisation de trouver elle-même des solutions maitrisables à ses limitations organiques.

« Pas de limitations, pas d’évolution. Pas d’évolution ; stagnation »

Ainsi résume-t-il ses propos.

Malgré son avertissement, c’est précisément ce que vous êtes en train de lancer sur l’ensemble de la galaxie en choisissant la Synthèse ! Vous faites évoluer rapidement et sans leur consentement toutes les formes de vies de la galaxie. Pire encore, vous résumez la vie a un seul ADN, un seul mode de vie, une seule solution…sans autre explication que celle fournie par votre étrange interlocuteur.

Cela ne vous rappelle-t-il pas nos amis Moissonneurs qui transforment toute vie a leur image ?

Mordin, toujours lui, se rappelle à votre mémoire :

« La vie est précieuse, Shepard. L’Univers a soif de diversité »

Pourquoi donc l’unifier quand tout Mass Effect vous explique que la différence est une force qui vous a d’ailleurs permis d’arriver jusque là ?

Finalement, sur la question des relais cosmodésiques, bien qu’endommagés ou détruits, leur technologie est à la portée de toute civilisation. Dans les faits, les Prothéens ont été capables de recréer un mini relais afin d’utiliser le Canal sur Ilos. La fin Destruction donne également du crédit à cette hypothèse car les relais sont reconstruits dans les ultimes cinématiques.

En comparant les différents artworks entre la Synthèse et la Destruction, il est évident que le niveau technologique atteint est le même dans les deux cas. Plusieurs clichés nous montrent la ville de Londres et la Citadelle en parfait état après la grande guerre, ce qui tend à prouver qu’en dehors de la présence des Moissonneurs et des synthétiques, il n’y a pas d’avancées majeures significatives dans la fin Synthèse par rapport à la Destruction.

« Ce qui a été créé peut l’être à nouveau »

Amiral Xen

An End, once and for all.

Mass Effect a toujours été une question de choix et de sacrifices.

Vous sacrifiez un de vos amis sur Virmire, le Destiny Ascension ou des milliers d’humains lors de bataille de la Citadelle et 300 000 Butariens lors de l’explosion du relais du système Bahak afin de retarder la venue des Moissonneurs.

Vous avez toujours pris des décisions lourdes de sens mais qui bénéficient au plus grand nombre. C’est l’essence même d’un leader.

Mais toute la tragédie de cette histoire se joue à la fin, lorsque vous devenez vous-même émotionnellement impliqué. Vous avez des amis, une famille comme le dit Shepard à Javik. L’idée de perdre ne serait-ce qu’un membre de l’équipe est insupportable.

Ce sentiment est renforcé par toutes vos discussions antérieures à la rencontre du Catalyseur et l’amitié que vous avez nouée avec des êtres synthétiques autrefois perçus comme des monstres dangereux. Mais vous avez mis de côté vos différends, vous vous êtes compris. Vous êtes la preuve vivante que le conflit que veut à tout prix éviter le Catalyseur ne requiert plus son intervention.

C’est pourquoi sa solution de Synthèse est une hérésie ; elle n’a pas lieu d’être. Vous n’en avez pas besoin !

Mais c’est trop tard. L’heure du choix est arrivée.

Le choix le plus confortable moralement est la Synthèse car elle ne requiert que votre sacrifice mais cette dernière va à l’encontre de toute la logique de Mass Effect.

La seule fin qui coche toutes les cases est… la Destruction.

Tous vos pairs vous le disent, tout le jeu vous le dit. C’est votre mission. C’est ce pour quoi les anciens cycles se sont battus, la raison pour laquelle Anderson a cru en vous. C’est la seule option qui rend libre la galaxie, libre d’évoluer, libre de choisir.

La perte d’IDA et du peuple Geth est un immense sacrifice, surtout à ce moment de l’histoire mais toute votre aventure a été jalonnée de ces pertes et elles sont, malheureusement nécessaires pour le bien du plus grand nombre.

L’expérience acquise permettra sans doute de voir arriver de nouveaux synthétiques dans la galaxie et, cette fois-ci mieux les comprendre et les intégrer. Mais ce sera le choix de toute une galaxie et pas celui d’une autre entité prétendument supérieure.

Soulignons aussi que seule la fin Destruction permet de supposer que Shepard est encore en vie puisque sa plaque commémorative n’est pas plaquée au mur lors de la scène finale et que l’on voit son thorax bouger parmi les décombres. (Si votre préparation galactique est très élevée)

Enfin, le trailer du nouveau Mass Effect en préparation au moment d’écrire ces lignes laisse également sous-entendre que les relais sont partiellement détruits et que le personnage de Liara n’est pas modifié par la Synthèse.

Une rumeur liée à un des artworks publiés en marge de la future sortie du prochain Mass Effect soutient également la thèse de nouveaux relais cosmodésiques créés par l’humanité.  Le mécanisme « MR 7 » pouvant être interprété par Mass Relay n°7. Sa forme particulière et son noyau central semblent en phase avec cette théorie.

Une hypothèse probable porte à croire que la fin Destruction serait donc la fin prédéfinie par le studio mais c’est un sujet complexe qui nécessitera d’autres indices pour y répondre de manière concrète.

« Vôtre espèce me fascine, je suis curieuse de voir ce qu’elle accomplira »

Samara

Retrouvez également notre guide des différentes fins de Mass Effect 3.