Développement, rétrospective et avenir de la série Mass Effect Abyss 16/05/2013

Développement, rétrospective et avenir de la série Mass Effect

Shepard est enterré, la trilogie c’est terminé. Oui, c’est vrai mais cependant le petit cosmos de l’Internet bouillonne ces dernières semaines. Des langues se délient au sein de l’équipe de développement pour mieux nous raconter la genèse d’une série devenue culte dans le monde de la Science-Fiction. C’est donc avec plaisir que nous nous faisons le relais cosmodésique des informations les plus croustillantes dévoilées au sujet de Mass Effect.

Mass Effect : conçu pour être unique

La trilogie que vous aimez tant naît de l’esprit de Drew Karpyshyn; un romancier et scénariste collaborant avec une petite équipe de développement composée de certains noms tels que Casey Hudson, Dusty Everman, Preston Watamaniuk, Derek Watts et David Falkner. Après un an de labeur, ils parviennent  à dégager un concept, une vision novatrice du petit monde de la Science-Fiction : Mass Effect.

L’idée de base est de transcender les clichés inhérents à la Science-Fiction afin que leur projet puisse se démarquer de Star Wars, Star Trek et Alien; des références cinématographiques faisant partie intégrante de la culture SF. Pour ce faire, l’équipe part d’un élément du background de Star Trek : la Directive Première -selon laquelle les espèces développées ne peuvent pas interférer dans la vie des autres peuples n’ayant pas appris à voyager plus vite que la lumière- et décide d’aller à l’encontre de cette idée. En effet, dans le monde de Mass Effect, les espèces les plus puissantes -dites Conciliennes- exercent d’énormes pressions et manipulent les autres civilisations extra-terrestres plus faibles. L’exemple le plus flagrant reste l’intervention des Galariens lors de l’édification des Krogan dans le cadre de la Guerre Rachni et, plus tard, sa conséquence dramatique connue sous le nom de Rébellion krogane. Ce jeu de pouvoir très particulier mené par le Conseil esquive avec brio les limites manichéennes imposées dans d’autres productions telles que Star Wars et son clivage Bien/Mal symbolisé par les Jedi et les Sith.

Après l’élaboration d’un concept de base, l’équipe de Drew a besoin de construire un univers tout entier composé par ses humains, ses extra-terrestres, ses planètes, son Histoire et surtout son intrigue principale : un travail colossal. La vision de Karpyshyn insuffle alors des éléments propres à l’histoire de l’Humanité dans les thèmes abordés par Mass Effect mais aussi dans la construction des relations entre les diverses espèces. C’est pourquoi il est aisé de retrouver des faits proches de la réalité humaine comme la xénophobie, le colonialisme, l’esclavage et l’influence politique et économique de certaines sociétés durant le parcours de Shepard. Ces différents thèmes très controversés  servent, selon Karpyshyn, à établir un lien avec le joueur afin de le faire réfléchir longuement sur des sujets auxquels il ne pense pas habituellement. Il cite à ce propos le passage sur Virmire pendant lequel le joueur doit décider d’abattre Wrex ou non : le Génophage est-il vraiment justifié, Wrex a-t-il raison, est-ce la meilleure des solutions de le guérir maintenant et de cette manière ? Drew n’oublie pas également le moment fatidique qui place le joueur face à ses responsabilités : qui dois-je sauver ? Kaidan ou Ashley ? Il rajoute ensuite que ce sont plus particulièrement les conséquences des actions entreprises (visibles dans ME2 – ME3) qui suscitent l’intérêt et forcent à réfléchir davantage, à jouer autrement lors d’une prochaine partie. Cette intrication très forte entre le joueur, son Shepard et l’univers qui l’entoure est rendue possible grâce au scénario de Mass Effect, alliant à la fois une intrigue à l’échelle galactique et des histoires plus personnelles entre le Commandant et ses compagnons de route.

Toujours dans l’optique de créer un univers au sein duquel la distinction entre le bien et le mal reste floue, Mr. Karpyshyn dépeint les adversaires de Shepard d’une manière telle qu’il est difficile de se positionner en faveur ou en défaveur de leurs idéaux. De fait, dans une récente interview du mois d’Avril, Drew Karphyshyn dévoile s’être inspiré des Dieux Très Anciens de la célèbre mythologie de Lovercraft lorsqu’il a imaginé et appréhendé la nature des Moissonneurs. Dans le Mythe de Cthulhu, les Dieux Très anciens sont des entités supérieures dont les desseins dépassent l’entendement humain. Ils servent une cause supérieure qui, par moment, rejoint les intérêts humains bien qu’au final, ils se soucient peu des créatures inférieures. Les Moissonneurs ne sont pas vraiment différents puisqu’ils servent une cause supérieure définie par le Catalyseur et moissonnent sans réelle haine envers les organiques. Ils sont, pour Drew, le penchant synthétique des Dieux Très Anciens de Lovercraft, le tout ramené dans un univers de Science-Fiction. Ce thème de la divinité est particulièrement présent dans Mass Effect 1; au travers du contact avec Saren et Sovereign.

Les Ascenseurs : de leur création à la disparition

Mass Effect est une série qui a évolué au fur et à mesure des épisodes. Chacun d’entre eux a apporté un élément nouveau que ce soit dans le gameplay, la narration, les révélations et tant d’autres petits détails. Toutefois, entre Mass Effect premier du nom et Mass Effect 2, quelque chose a bel et bien disparu : les ascenseurs. Le pourquoi du comment se trouve ci-dessous.

Les ascenseurs sont des zones de transitions qui permettent de charger une nouvelle zone de jeu dans Mass Effect 1. Dusty Everman, le Designer Senior de Bioware est longuement revenu sur leur avantage et surtout leur inconvénient. Il explique ainsi que lesdits ascenseurs ont été enlevés dans les suites de la trilogie à cause du temps de chargement supplémentaire qu’ils ont induit. La démarche est pourtant partie d’une bonne intention : rendre plus immersif encore le jeu en évitant de tomber sur un écran de chargement banal. Au départ rapides, les ascenseurs ont cependant été fortement ralentis au fur et à mesure que le contenu de Mass Effect 1 augmentait pendant son développement. Pire encore, un bug découvert très tard a obligé l’équipe à réduire encore davantage la vitesse de chargement entre les zones instanciées puisqu’il était impossible de faire autrement à ce stade du travail. En conséquence (et de manière assez amusante), les développeurs ont pallié à ce problème en créant des dialogues scriptés entre les personnages du commando durant la longue descente ou montée d’un des ascenseurs de la Citadelle. Un fait plutôt étonnant quand on sait à quel point ces lignes de dialogues non prévues à l’origine ont été appréciées par les fans.

Pourtant, le gain d’immersion obtenu par les dialogues dans les ascenseurs n’a pas fait le poids face au pragmatisme des designers qui ont, par la suite, laissé tombé ce procédé  pour revenir à un système plus classique d’écran de chargement. On passe de cette manière d’un temps d’attente de 51 secondes -sur XBOX 360- entre la baie d’amarrage de la Citadelle et l’Académie du SSC dans Mass Effect 1 à un délai plus raisonnable de 20 secondes de chargement pour atteindre le Présidium depuis le Quai D24 de Mass Effect 3 si le jeu est installé directement sur la console.

Monsieur Everman déclare aussi avoir souhaité introduire de nouveau des ascenseurs fonctionnels dans le dernier épisode mais, encore une fois, le temps d’attente a été jugé beaucoup trop long pour un jeu au rythme aussi soutenu que celui de Mass Effect 3. Le seul ultime clin d’œil évident qui subsiste après Mass Effect 1 se trouve désormais dans le DLC Citadelle; lorsque Shepard et son équipe empruntent l’ascenseur du Normandy juste avant la scène finale.

 

 

Les moments que vous ne vivrez jamais dans Mass Effect

En parallèle des nombreuses contraintes techniques auxquels les développeurs ont été confrontées, d’autres soucis se sont ajoutés à la liste. Mike Gamble avoue à son tour que le résultat final obtenu tout au long de la trilogie n’est que le produit de longues recherches et de tentatives avortées. Il était ainsi prévu de jouer de nouveau avec Joker durant l’assaut final du Normandy dans Mass Effect 3, d’incarner un scientifique Quarien pendant la quête de loyauté de Tali  et un colon de Horizon durant l’attaque des Récolteurs dans Mass Effect 2. Toutefois, la crainte de déplaire aux fans en leur imposant de jouer un personnage autre que le Commandant Shepard a découragé l’équipe qui a, dès lors, concentré ses efforts sur l’amélioration du contenu déjà créé à l’époque. On retrouve cependant certaines de ces idées dans les DLC plutôt que dans la campagne principale, centrée sur Shepard et son aventure. En guise d’exemple, la séquence de course-poursuite en voiture dans les rues d’Illium (DLC Le Courtier de L’Ombre, Mass Effect 2) est une des nombreuses voies explorées par Bioware afin de varier le gameplay de Mass Effect : son introduction dans un simple contenu téléchargeable était beaucoup moins risquée que dans la quête principale.

De plus, pour tous les fans désireux de parcourir la galaxie avec Blasto dans leur commando, sachez qu’il était normalement prévu d’inclure des personnages non humanoïdes dans l’équipe de Shepard. Le but de cette démarche était vraisemblablement d’octroyer à Mass Effect un cachet plus exotique, plus alien. Malheureusement, les contraintes techniques et esthétiques n’ont pas permis cette petite fantaisie supplémentaire. Tous les membres du commando ont donc été dessinés sur base d’une ossature humaine leur permettant de tenir une arme, de marcher, grimper aux échelles et se mettre à couvert comme Shepard; ce qui a grandement facilité l’animation globale de tous les personnages. Mais, dans un soucis de conserver un cachet exotique et d’offrir tout de même au joueur la sensation d’évoluer dans un univers extra-terrestre, ces membres du commando qui n’ont jamais vu le jour ont tout de même été incorporés dans la Citadelle au travers des espèces Hanari et Elcor, par exemple.

Drew Karpyshyn a également validé cette relation difficile, ce gouffre qui sépare l’idée de base et le résultat final en précisant que la série Mass Effect est tout simplement trop grande, trop complexe pour y incorporer tous les concepts de gameplay et de scénario imaginés. La trilogie a évolué et ce qui était prévu au départ a également subi des changements majeurs. Avec surprise, Drew dévoile que les Rachni devaient avoir un rôle bien plus important à jouer dans la saga. Ils étaient supposés être un des éléments majeurs de la guerre contre les Moissonneurs dans Mass Effect 3 car Karpyshyn avait en tête de les opposer directement aux machines intelligentes. En effet, quand on y regarde de plus près, les Rachni sont quasiment la version organique des Moissonneurs : des êtres capables de survivre à plusieurs cycles, évoluant avec un esprit de ruche et dont le comportement est difficile à comprendre pour les autres espèces évoluées. En lieu et place de ce scénario, les Geth ont pris plus d’importance dans la série et ont supplanté le scénario initial des Rachni car Bioware a perçu l’attachement tout particulier des fans pour Legion et son peuple, peu après la sortie de Mass Effect 2. Il en va de même pour Cerberus qui n’était pas supposé avoir autant d’importance dans l’histoire de Mass Effect.

La fin controversée de Mass Effect et l’avenir de la licence

En ce qui concerne la tristement célèbre fin de Mass Effect 3, Drew Karpyshyn explique sa vision des choses. Il soutient l’idée qu’une fin ne doit pas forcément se terminer sur un sauvetage complet de la galaxie mais que la conclusion d’une trilogie aussi ambitieuse que Mass Effect doit laisser au joueur un sentiment d’achèvement. Il précise son discours en expliquant que, pour lui, une bonne fin doit aider à valoriser le temps investi par le joueur dans l’univers de Mass Effect. Ainsi, que l’épilogue soit triste ou heureux, surprenant ou pas, le joueur a vraiment l’impression d’avoir servi à quelque chose, d’avoir changé le monde qui l’entoure par ses actions et ses choix. Il ajoute également qu’il ne faut pas jouer systématiquement la carte de la surprise (cf : l’apparition du Catalyseur, jugée trop subite et inadéquate par certains fans) mais plutôt respecter, dans une certaine mesure, l’attente des fans.

De même, Greg Zeschuk, l’un des co-fondateurs de Bioware comprend la déception engendrée par une fin en deçà des attentes. Il met en rapport cette déception avec le grand engagement et le soucis du détail apportés tout au long de l’élaboration de la trilogie. Ce haut degré de perfectionnement, cette liberté offerte dans les choix et les orientations de la série entrent violemment en conflit avec une fin jugée trop simpliste et trop rapidement résumée. Dès lors, le joueur ne retrouve pas ou plus le poids de ses choix dans les solutions ambiguës proposées par le Catalyseur. Mr Dusty Everman confirme, lui aussi, les propos de l’ancien co-fondateur de Bioware et rajoute que l’implication émotionnelle et la symbiose créées entre le joueur et son Shepard permettent difficilement d’implanter des fins aigre-douces dans un jeu vidéo tel que Mass Effect.

Au sujet de l’avenir de la série, Bioware nous promet du nouveau, par l’intermédiaire de Casey Hudson (le Producteur Exécutif de Mass Effect) et surtout une prise en compte de la demande des fans par rapport à un univers qu’ils ont aidé à construire. Ce fait tend à être confirmé depuis peu, comme le prouve la supposée tentative de sondage au travers d’une interview évoquant de possibles Spin-Off pour Mass Effect.

En conclusion, la seule notion dont nous sommes certains  à l’heure actuelle c’est que Mass Effect n’a pas terminé de faire parler de lui, pour notre plus grand plaisir.