C’est en 2007 que Bioware se lançait dans la lourde tâche d’étoffer l’univers Mass Effect, déjà bien copieux. Révélation, Rétribution et Ascension nous permettait de plonger dans le passé d’Anderson et de Saren mais également de Kahlee Sanders et de la famille Grayson. Les péripéties des romans étoffaient ou expliquaient des évènements que l’on subissait ou évoquaient dans les jeux. Depuis, de nombreux comics ont déferlé et ont assuré de compléter le background des jeux.
Mass Effect Andromeda : La révolte du Nexus signe le retour aux romans et vise à compléter l’histoire du dernier jeu de Bioware. C’est désormais l’heure du bilan pour le roman : quel est son apport pour l’univers et le jeu ? Arrive-t-il à approfondir les personnages qu’il nous présente ? Enfin, que vaut ce roman pour la SF en général ? Cette critique se veut sans spoilers et c’est pour cela que nous resterons assez vague sur les évènements du livre.
Synopsis
Avant de commencer, un petit rappel sur l’histoire du roman est nécessaire :
« Endormis pendant des siècles à bord de leur vaisseau, les colons ont rêvé d’un nouveau foyer au coeur de la galaxie d’Andromède. Mais lorsqu’ils s’éveillent enfin, leurs espoirs volent en éclats. Turiens, Galariens, Asari et Humains se retrouvent soudain face à des dangers qui surpassent leurs pires cauchemars. Le Nexus, pivot de l’exploration de leur nouvelle colonie, a subi des dégâts critiques avant même l’arrivée des arches. La mission compromise, la chef de sécurité Sloane Kelly doit rétablir l’ordre dans la station et identifier au plus vite la nature de la menace qui pèse sur ses résidents. Son échec sonnerait le glas de l’Initiative Andromeda. »
Vous allez donc suivre les pérégrinations de Sloane Kelly au sein d’un Nexus en piteux état. Ses tâches sont claires : rétablir l’ordre et identifier la menace qui pèse sur le Nexus. Comment Sloane va-t-elle s’y prendre ? C’est ce que le roman vous propose de découvrir au cours de son récit.
Galerie de personnages
Ce roman fait la part belle à ses personnages et vous retrouverez une grande partie des têtes connues du jeu. Nous allons en faire un inventaire rapide avec un rappel de leur situation dans le roman, puis dans le jeu.
Sloane Kelly
- La Révolte du Nexus :
Sloane Kelly est directrice de la sécurité au sein du Nexus. Elle a donc à sa charge de protéger ses habitants des menaces extérieures comme intérieures. Elle dispose pour cela d’une équipe sous sa seule autorité. Elle est subordonnée au dirigeant du Nexus. - Mass Effect Andromeda :
Sloane est le leader des exilés au sein de la planète Kadara. Elle règne d’une poigne de fer sur sa troupe tout en luttant contre les Kerts. Son poste de directrice de la sécurité au sein du Nexus a été plus ou moins repris par Teran Kandros, l’un de ses anciens subalternes.
Foster Addison
- La Révolte du Nexus :
Addison est la directrice des affaires coloniales au sein du Nexus. Elle a donc pour charge théorique de superviser la colonisation des planètes d’Andromède et notamment des mondes en or. Cette mission étant impossible à remplir à l’arrivée du Nexus dans Andromède, elle joue davantage le rôle de conseillère pour Jarun Tann. - Mass Effect Andromeda :
La situation de Foster Addison n’évolue pas et elle reste conseillère de Tann. L’arrivée du Pionnier lui permet de remplir sa fonction et de gérer la colonisation des planètes sécurisées par le Pionnier.
Jarun Tann
- La Révolte du Nexus
Jarun Tann est un bureaucrate galarien. Il est réveillé de sa stase pour remplacer Jien Garson en tant que dirigeant du Nexus. Il n’a pas été préparé pour cette tâche et est assez peu apprécié de l’équipage, notamment du fait de son manque de compassion, caractéristique de son raisonnement cartésien. - Mass Effect Andromeda :
De la même façon que Foster Addison, Jarun Tann ne voit pas sa situation évoluée, il reste à la tête du Nexus.
Voici pour les principaux personnages. Cette trinité de dirigeants voit ses capacités soumises à rude épreuve. Ils seront accompagnés d’autres têtes connues comme Nakmor Kesh ou William Spender. Quelques personnages du jeu seront également présents sous forme de clin d’œil.
Qualité de l’écriture
Au rang des points positifs, on peut noter la qualité de l’écriture. Celle-ci est fluide, sans long discours inutile. Les scènes d’action sont clairement décrites et dynamiques. Des détails émaillent ces scènes, notamment dans le descriptif des armes, de l’effet des tirs sur les boucliers ou des pouvoirs biotiques.
L’univers Mass Effect est ici respecté et aucune erreur n’est à relever dans ce domaine. Les auteurs nous prouvent qu’ils sont des fans de la série, ou bien qu’ils ont été très bien documentés par Bioware. Au rang des points positifs, nous pouvons également citer la multitude de point de vue dans le roman. En effet, même si Sloane Kelly est le personnage principal, le point de vue change sur certains chapitres et nous avons donc accès aux réflexions et pensées de Jarun Tann ou encore Foster Addison. Cela apporte de la diversité au récit tout en apportant des détails bienvenus sur les personnages.
Le tour des points positifs est malheureusement terminé. Il est désormais temps de passer aux points négatifs. Tout d’abord on peut noter un mauvais équilibre du récit. Concrètement cela se traduit par une action en fin de roman et celle-ci est rapidement expédiée. Pour prendre un exemple, le récit comporte des descriptifs d’activité parfois inutiles (entretien de la station, friction entre Sloane et Tann pour des raisons identiques, etc.), ce qui donne l’impression d’un livre inutilement allongé pour satisfaire un nombre de pages. En résumé, il n’y a pas assez d’éléments perturbateurs dans le récit pour maintenir notre attention, certains passages se suivent et se ressemblent et perdent le lecteur.
Un second problème vient du manque d’empathie que l’on éprouve pour l’héroïne, Sloane Kelly. En effet, son tempérament fougueux et naturellement colérique fait qu’on a du mal à l’aimer. Elle donne simplement l’impression d’être en colère contre le Nexus entier, sans trop de raisons. Il aurait été intéressant de détailler davantage son passif dans l’Alliance. Cela aurait mieux permis de comprendre ce qui a mené Sloane ici et pourquoi ses hommes la révèrent. Son passé est dispensé au compte-goutte et toujours de façon rapide et non précise. Elle prend soin de ses troupes tout en rechignant devant tous les ordres qui viennent de ses supérieurs, alors que c’est un rôle qu’elle doit pleinement assumer.
Au terme de la lecture, il est également un point qui reste en travers de la gorge. Sloane Kelly prend, en effet, une décision en fin de roman. Cette décision, comme vous vous en doutez, mène à la création de la faction des exilés. Et c’est justement une des réactions de Sloane qui mène à cette incompréhension car son changement de camp est soudain. De plus, les explications fournies viennent après le revirement, comme si l’auteur ou l’héroïne se rendait compte, après coup, qu’il fallait justifier ses actions. Les explications arrivent trop tard et elles ne sont pas convaincantes. De plus, cela participe au manque d’empathie du personnage car elle prend sa décision pour de mauvaises raisons et sans assumer son rôle au sein du Nexus. Certes sa rébellion était nécessaire au récit mais on aurait aimé une meilleure raison.
Qualité de la traduction
Faisons un point rapide sur la traduction proposée par Milady avant de terminer notre critique. Dans l’ensemble, celle-ci est de bonne facture. La terminologie de l’univers Mass Effect est respectée et aucune faute n’est à relever. Occasionnellement, on peut trouver des phrases à la tournure assez exotique qui dénote d’une traduction approximative. Fort heureusement, ces passages sont rares et l’on ferme rapidement les yeux dessus, le reste de l’écriture étant fluide.
Apport du roman pour l’univers et le jeu
Il est nécessaire de lever l’ambiguïté, le livre n’apporte rien de marquant en plus du jeu vidéo. Les événements qui s’y déroulent permettent d’avoir davantage de précisions quant aux motivations de Sloane ou Nakmor Morda mais ces motivations arrivent bien tard dans le roman et finalement n’occupent que les 10 derniers pourcents de la narration. Les datapad que l’on peut trouver tout au long du dernier jeu est amplement suffisant et en apporte autant.
Si l’on exclut donc cet élément, on se retrouve avec bien peu d’informations sur la vie à bord : le ressenti des membres du Nexus, leur moral, leurs expériences, etc.
De la même façon, bien peu d’informations nous sont donnés, en comparaison avec la précédente « trilogie de livre », sur les technologies employées par le Nexus. En somme, tout ce qui fait le sel d’un Mass Effect : la crédibilité de la technologie mais également la vie des personnes qui entourent le héros est oublié pour nous laisser un récit terne dont les principales révélations se trouvent en fin d’aventure. Un point positif cela dit, le roman aborde plus facilement la personnalité de Jien Garson. C’est d’autant plus logique que Sloane Kelly était assez proche de l’initiatrice de l’Initiative. On aborde donc quelques aspects de sa personnalité ainsi que de la façon dont elle est perçue par « ses troupes » de l’Initiative.
Conclusion
En définitive, le récit s’attache beaucoup trop aux dirigeants du Nexus et ne fait que renforcer l’animosité que l’on éprouve déjà pour eux (au travers du jeu Mass Effect : Andromeda). Malheureusement, il est difficile d’éprouver de l’empathie pour l’héroïne du fait de son attitude et de ses humeurs assez extrêmes. Compte tenu de l’apport du livre dans l’univers, on peut se plaire à croire qu’un simple comics aurait rempli la tâche de raconter la révolte du Nexus. C’est d’autant vrai qu’on pardonne davantage à un comics ses errements de scénario. Difficile pour un roman toutefois d’argumenter la pauvreté de son action…
On a aimé :
- Quelques clins d’œil à des personnages connus des jeux
- Ecriture fluide, lisible et dynamique (malgré quelques errements dans la traduction)
- Une variété de point de vue
- Une action bien décrite et un récit bien documenté, fidèle à l’univers Mass Effect.
On a moins aimé :
- Peu d’apport pour l’univers, un comics aurait mieux rempli la tâche
- Un manque d’évènements perturbateurs dans le récit, le rendant long et parfois ennuyeux
- Une complexité à éprouver de l’empathie pour le personnage principal
- La décision de Sloane Kelly en fin de roman mal expliqué et mal justifié.