Depuis la Séparation, rien n’a plus jamais été comme avant. De la gloire passée, il ne reste rien d’autre qu’une image aux couleurs déformées, virant du rouge au bleu selon les caprices du Fléau dans Héléus. Les sons joyeux des Rivaan d’antan ont cédé leur place aux bombardements incessants et aux cris d’enfants sans avenir heureux.
Mais tout comme les âmes angara revenaient dans leur famille, ainsi en allait-il de Vaalon, la première et la plus brillante des étoiles du ciel d’Aya. Elle qui, malgré tant de malheurs, demeurait là-haut, inflexible, indéboulonnable. Enracinée. Elle était un exemple pour les Angara et, peut-être, un symbole de leur grandeur passé qui, un jour, leur serait restituée…
Dans ce nouveau dossier nous parlerons des Angara, de leur histoire ancienne comme récente ainsi que de certains des points les plus travaillés de leur background. Mass Effect Andromeda nous donne l’occasion de rencontrer, pour la première fois, une espèce alien en tant qu’invité, l’occasion de vivre chez eux et d’apprendre par l’observation et l’écoute plutôt que par un vulgaire codex. Alors, aujourd’hui, on ne restera pas à la maison. On part à la rencontre de ces individus si touchants en ayant l’humilité de considérer qu’en réalité, dans cette histoire, les aliens…c’est nous et qu’il nous appartient de les comprendre afin de s’intégrer dans notre nouveau foyer.
Set Jave Jarevaon : Bienvenue dans Andromède.
« Je ne montre ça à personne mais, vous et moi, c’est comme une famille. »
Jaal
Angara, les Enracinés
L’histoire angara est à l’image d’Héléus : une ruine, un vestige flou du passé. De l’époque de gloire qui aurait précédée le Fléau, ne restent que des comptes et légendes qui apaisent quelque peu les profondes blessures de ce peuple marqué par la souffrance. Ces histoires sont celles des frères Kamiiro No et Jaali No, de Biloan l’explorateur, Fen Sayatt le puissant chef angara, du Dregnar le combattant légendaire, des Roekaar, les soldats mythologiques… qui ont toutes été perdues dans les volutes du Fléau et les méandres du temps.
Les Sages angara s’accordent aujourd’hui sur le fait qu’Havarl fut le berceau de leur civilisation qui s’étendait jusqu’aux limites des systèmes solaires Shojaon, Skeldah et Togessan. Dans la jungle luxuriante de leur monde d’origine, les Angara primitifs évoluaient et apprenaient à maitriser le thermo-façonnage ; un procédé de fabrication inédit qui a été lui aussi oublié au milieu des décombres de La Forge. D’aussi loin que peut s’en souvenir l’Histoire, les ruines reliquates de la planète étaient présentes depuis toujours et, au sein de ces murailles de métal, de céramique et d’ézo, les Angara y trouvèrent une technologie qui n’était pas la leur. Elle dépassait de loin les capacités cognitives et techniques de leur peuple mais était curieusement réactive aux champs bioélectriques naturels qu’ils produisaient. De plus, certains des composants avaient été préalablement démontés… comme si quelqu’un voulait qu’ils apprennent à s’en servir et à en reproduire les concepts. Louj Ansen, un historien reconnu au sein de la société angara moderne est néanmoins formel : les robots reliquats n’ont jamais été aperçus par ses ancêtres qui n’ont pas connu le Fléau : Havarl était vide. Beshaal était l’un des pionniers angara de cette époque, capable de recréer des propulseurs reliquats et d’aider son peuple à s’envoler, comme tant d’autres avant eux, vers les étoiles. De nos jours, il ne reste de ses voyages que quelques cartes stellaires morcelées. Quant aux vaisseaux des anciens Angara, tout porte à croire qu’ils étaient eux aussi d’origine reliquate ; comme en atteste Avela, la conservatrice du musée d’Aya sur base de l’épave échouée et le casque angara ancien au fond du gouffre des Créateurs ; sur Havarl.
On suppose que , depuis le départ de leur monde d’origine, les Angara colonisèrent peu à peu Héléus et les planètes environnantes, dont Kadara et, surtout, Voeld, véritable apex technologique de cette civilisation. Lors des sorties en Nomad, Jaal y décrit un haut-lieu où vivaient des milliards de ses semblables le long de plaines verdoyantes ; bordées d’océans et de lacs. Là-bas, les Angara fréquentaient de gigantesques créatures aquatiques appelées « Yevara » dont le chant magnifique « faisait se lever le soleil et briller les étoiles ». En tout, les historiens nous parlent de 5 mondes sur lesquels les Angara prospérèrent mais ces derniers furent eux aussi perdus.
La fin de l’âge d’or angara marqua le début de l’Age des Ténèbres, comme ils se plaisent à l’appeler. Celui au cours duquel le Fléau arriva. Et malgré les Yevara, en dépit de Posbaar, gardienne de l’étoile, les soleils s’étaient brusquement couchés, les étoiles venaient de s’éteindre.
« L’Histoire est un souffle. Elle nous habite, nous donne la vie. Elle ne peut pas être capturée. »
Selav, la Mémoire Angara
Mithrava, le sanctuaire
Soudainement, ce qui avait été n’était plus. Le Sage Esmund décrivit l’apparition du Fléau comme un évènement cataclysmique ayant engendré peur et chaos sur tous les mondes angara. Toute leur technologie cessa de fonctionner, leur vaisseaux ne pouvaient plus décoller et la plupart des colonies n’avaient plus aucuns moyens de communiquer. A peu de chose près, les Angara venaient de vivre le récit humain de la Tour de Babel. Séparés, apeurés, ils étaient désormais à la croisée des chemins, menacés par le Fléau et ces étranges machines qui sortaient de nulle part ; au même moment où les caveaux se refermaient dans un bruit sourd.
Au beau milieu du chaos, la très grande majorité des Angara parvint tout de même à un consensus, une explication permettant de donner du sens au phénomène qu’ils subissaient. Mais il impliquait de tourner le dos à leur passé, ce que ne souhaitaient pas certains d’entre eux. Ce jour là marqua le début de la Séparation. Quatre grandes familles, méprisées pour leur choix de poursuivre la voie d’autrefois prirent l’initiative de s’exiler sur Havarl, tout en haut d’un lieu qui leur rappellerait la splendeur et la sécurité d’autrefois : Mithrava.
Des quatre familles, trois individus se démarquèrent de par le rôle qu’ils endossèrent durant cette période. Jephro prit les commandes de ce groupe de marginaux et les guida au pied de Mithrava, le Sanctuaire. Maraan utilisa ses connaissances technologiques pour sécuriser le Sanctuaire en fermant les portes permettant d’y accéder. Quant à Selav, son travail consistait à récupérer les fragments du passé angara et, bien plus tard, maintenir un contact minimal avec les archivistes d’Aya. Ces individus pensaient que, de cette manière, ils seraient protégés du mépris et de la mauvaise influence du reste leur peuple et, qu’en perpétuant les anciennes traditions, ils pourraient conserver ce qui faisait d’eux une civilisation de premier ordre.
« Un œil éclairé sait ce qu’il a été. Un œil éclairé voit ce qu’il est devenu. »
Selav
En marge de ces évènements, un individu qui répondait au nom de Zorai luttait de toutes ses forces pour restaurer ce qui pouvait encore l’être. On apprendra, des centaines d’années plus tard que Zorai était une Angara et qu’elle avait probablement sauvé son monde d’origine et tous ses descendants d’une mort assurée en stabilisant une partie des monolithes du caveau d’Havarl… au prix de sa vie. Le reste du récit est flou. L’on sait que les Sages de Mithrava continuèrent à étudier les arbres généalogiques des lignées angara, espérant y trouver des réponses quant à leur situation grâce aux souvenirs des âmes réincarnées auxquelles ils croyaient.
Un siècle s’écoula et une génération d’Angara laissa la place à la suivante, non sans avoir réussi à construire de nouveaux vaisseaux, de nouveaux propulseurs de type Varlstedd-Juuv, de nouvelles villes, une nouvelle vie, un nouvel espoir pour les habitants d’Héléus. L’histoire oublia également quelle colonie s’envola la première vers les autres mais, une chose était certaine : le temps n’avait pas guéri les blessures, bien au contraire. C’est que, leur vie était devenue misérable. Havarl et son écosystème déréglé ne permettait plus aux Angara de s’implanter harmonieusement dans leur environnement. La « Flore aleshajaan gaat » ; un champignon bioluminescent dont le nom se traduit par « mort lunaire » envahissait peu à peu le sol de la planète et interférait avec le système nerveux des autochtones. Sur Kadara, l’eau se chargeait en souffre et devenait impropre a la consommation tandis que sur Voeld, les plaines avaient été remplacées par un glacier infini ; l’orbite de la planète ayant été déstabilisée par le Fléau. Au sol, seules demeuraient les « Gesh Asan Vaon »… les « mains levées au firmament » créées par d’immenses soupapes géothermiques sous la glace. Des milliers de mains levées vers les cieux, comme autant de suppliques angara envers les dieux qui les avaient si brutalement abandonnés.
Shelesh, troquer la lune
Lorsque la jonction entre les différents mondes eut lieu, ils n’y avait plus de frères, de soeurs, de parents ou amis. Ils étaient devenus des étrangers séparés par cent ans de Fléau. Les voyages étaient devenus extrêmement dangereux ; le Fléau pouvant détruire un vaisseau en quelques secondes. De plus, chaque peuplade parlait désormais sa propre langue et avait ses propres us et coutumes. Il fallait donc réapprendre à se connaitre, faute de quoi, l’unité d’autrefois ne reverrait jamais le jour.
C’est dans un but d’unification que la langue officielle des nouveaux Angara fut restaurée. Le Shelesh ; « troquer la lune », en raison de son objectif d’échange commercial et culturel, allait devenir le premier socle d’une société galactique fracturée. L’idée était loin d’être idiote. Le langage ; dans Mass Effect comme dans notre monde est indissociable de son peuple (pensez un peu au langage guttural, rugueux des Krogan ou des Kert, sensé refléter leur nature belliqueuse). La manière de parler, les mots que nous utilisons sont représentatifs de ce que nous sommes en tant que civilisation, en tant qu’individus à part entière. Il est donc logique pour les différentes tribus angara, à ce stade, de recréer un lien linguistique fondamental avant toute autre entreprise.
Le Shelesh, dans Andromeda est, vous le constaterez, loin d’être un simple élément ornemental dans l’aventure (comme l’est le Khélique des Quariens, par exemple). Au contraire, la langue angara raconte une histoire, tant par sa sonorité « aquatique », proche des Asari, et sa fluidité qui soulignent l’harmonie des Angara avec la nature que par l’utilisation majoritaire de voyelles qui reflète la douceur de ce peuple. Est-ce un hasard ? Certainement pas. C’était en réalité un objectif des développeurs et, particulièrement de Fabrice Condominas, producteur de Mass Effect Andromeda. Lisez plutôt cet extrait d’une interview datée du 23 février 2017 :
« On a aussi vu le film de Denis Villeneuve, Premier Contact, qui aborde la question du langage. On en a même discuté avec certaines personnes qui ont travaillé sur ce film.
On est aussi allé chercher des choses en ethnologie, en anthropologie, en linguistique… pour améliorer le contexte du jeu. »
Et, force est de constater que cet objectif a bien été rempli. Prenons le temps d’une petite parenthèse dans notre récit afin d’apprécier le travail dont à bénéficié la langue angara.
Tout d’abord, intéressons-nous à l’idée générale du langage dans Héléus. En parcourant ce secteur, on peut littéralement s’imprégner de la culture angara en les écoutant, comme nous le ferions dans un pays étranger. Il en ressort que les Angara communiquent principalement par le biais d’expressions ou de métaphores liées à la nature telles que « Quand un poisson aura une gemme dans la bouche » pour définir un moment qui n’arrivera sans doute jamais. On constate en outre que leurs adjectifs se composent d’un ensemble de mots et d’idées qui tournent aussi autour de la notion de nature, ce qui n’est pas étonnant au vu de l’harmonie dans laquelle ils semblent vivre sur Aya. En dissociant les mots et les idées auxquelles ils se rattachent, il est possible de traduire leur langue ; de manière imparfaite, entendons-nous bien, mais le travail effectué à ce sujet mérite le détour.
Puisque les Angara se définissent comme des explorateurs, partons du mot qu’ils ont utilisé pour décrire leur langage : « Shelesh ». Si nous le comparons à « Flore aleshajaan gaat », « la mort lunaire », nous pouvons déjà déduire le mot qui signifie « lune » en angara : il s’agit du mot « esh ». Par déduction, « Shel » signifie le commerce, le troc, l’échange qui passe par le dialogue et donc la bouche ; qui se dit « shena ». « She-l-esh » : troquer la lune.
Continuons à regarder le ciel qui était si important pour nos amis explorateurs. Sur Voeld, nous vous parlions des « mains levées au firmament », les « Gesh asan vaon ». C’est avec ce même mot que les Angara ont donné son nom complet à leur galaxie, ce ciel étoilé, ce firmament , comme nous l’apprend Isha de Navar, le diplomate angara du Nexus en nous souhaitant la bienvenue dans Andromède : « Paavoa, set jave jarevaon ». « Vaon » : ciel étoilé, firmament. Nous pouvons ensuite déterminer le mot « jour », grâce, justement à « Paavoa » (Bonjour, le jour qui se voit dans le ciel, proche de « vaon ») dont la particule surlignée se retrouve dans les jours de la semaine angara : Novoa Sabay, Tef, Vaa, Ema, Roa, Fev et Bav.
Au niveau des adjectifs ou des descriptions d’objets et de personnes, nous avons vu en début de chapitre que les Angara puisent leur vocabulaire dans des métaphores liées aux éléments naturels ; et cela se confirme également dans la manière dont ils se définissent eux-mêmes : « Angara », les Enracinés qui dérive de « anj » qui veut dire « ancre » ; marquant de fait l’idée de s’enfoncer dans la terre, s’installer définitivement quelque part. Par extension, le trou noir gigantesque d’Héléus se nomme « Haranj », « Le leurre du pêcheur » qui met certainement en évidence le caractère inamovible de cet astre, lui-même enraciné en plein milieu du secteur tout entier (ou le fait d’être ancré à lui si l’on s’en approche de trop près) . Au final, la contraction phonétique des mots « ancre » ; « anj » et « racines» ; « gara » (« gar » au singulier) nous donne « An-j-gara » qui devient simplement « Angara » à l’oral. Ce mot signifie littéralement « les racines qui s’ancrent dans la terre » que les omnitechs traduiront plus concrètement par « Ceux qui se sont enracinés » ou « Les Enracinés ».
On retrouve également cette pirouette linguistique dans le mot « Daar », (pluriel, « Daara ») littéralement « formation rocheuse » mais qui renvoie en réalité à la notion de « village » et, poétiquement, ses maisons sorties de terre qui ressemblent à des rochers. Sur cette même base, les Angara définissent quelqu’un de têtu comme « gosan yav daar », la personne qui « s’agrippe à un rocher », qui ne veut pas lâcher ses idées… et qui donnera son nom à la Résistance menée par Evfra : la « Gosavar » ; puisque ceux qui résistent à l’oppresseur sont par nature des gens qui « tiennent tête » à quelqu’un d’autre et qui continue de s’agripper à leur propre rocher. Les « entêtés » de la Résistance portent le nom de « Gosavara ».
Nous pouvons également déduire le mot (ou l’idée générale sous-jacente) utilisé par les Angara pour définir l’élément central de leur société : la famille. Ce qui va suivre n’a cependant jamais été officialisé par le jeu lui-même, il ne faut donc pas le prendre pour une vérité absolue. Il s’agit simplement d’une extrapolation générale basée sur plusieurs indices. Or donc, selon toute vraisemblance, ce mot se résume à un suffixe de trois petites lettres : « aan ». Ainsi, les angara diront « ongaan » pour parler d’un membre de la famille (des enfants) et « Govataan » pour « lieu d’accueil » ; « Arataan » ; « à l’abris des ténèbres » « dos ashaan » pour décrire « la bonne peur » qui rend fort pour protéger les personnes que l’on aime, « Tavetaan » pour désigner les lieux ou les personnes avec qui l’on se sent en sécurité, en confiance. Définitivement ; on ne peut nier que « aan » compose systématiquement tous les mots shelesh liés aux personnes proches et aux lieux sécurisés: une symbolique évidente de la famille, la maison. En ce qui concerne le cercle familial restreint, il est de bon ton d’utiliser le suffixe « aon » : « olaon » (petit frère, petite sœur) ; « sholaon » (enfant adopté, sans famille) « yalaon » (grand frère/grande sœur).
Avec l’apparition de l’Initiative dans Andromède, le mot « vesaan » est souvent utilisé pour désigner un étranger ; une personne qui n’est, par définition, pas de la famille. On découvre de cette manière que « Vesa » ou « Ves » est le préfixe de distanciation sociale ou de modification d’une situation établie. Exemple : « Vesaal » ; « le temps du changement », souligne une situation qui change de l’habitude (sur Aya, la population tourne constamment). Les Roekaar, qui haïssent les étrangers depuis l’invasion kert marquent davantage de distance en utilisant un synonyme du mot « étranger » qui sort complètement de la sphère familiale : « Vesagara » ; littéralement : « qui n’est pas angara ; comme nous», « les déracinés », « les exilés » ou, dit plus simplement, « les aliens ».
Ce qui nous amène enfin au suffixe « gara » qui définit « les racines ; ce qui fait partie de la civilisation angara » et qui est utilisé dans le mot « Javegara » : « les personnes qui me/nous ressemblent » ou « les amis ». On retrouve également « Jave » dans le nom shelesh d’Andromède : « Jave Jarevaon » qui est traduit simplement par « Notre galaxie ». « Jave » marquant l’idée de possession, de proximité et « vaon », le firmament, il serait plus correct de traduire approximativement « Andromède » par un terme plus poétique, sentimental et donc plus proche du phrasé angara, c’est-à-dire : « Notre Ciel Étoilé ».
Et que dire alors du mot « Jardaan » contenant justement « aan ». Andromeda ne traduit jamais vraiment ce nom mais, s’il signifiait « Les Créateurs », comme cela semble probable, la traduction littérale serait alors :
« Ceux qui ont créé notre famille, notre maison. » : « Jard-aan »
Taerve Uni, avancer ensemble
Il fallut exactement 420 ans aux Angara pour reconstruire un semblant de société, compte tenu des difficultés inhérentes à leur lieu de vie.
Pendant ces 4 siècles, ils développèrent de nouvelles technologies spatiales, comme nous l’avons vu, ce qui leur permit de repartir explorer Héléus. Cependant, la plupart de leurs tentatives de colonisation et/ou d’extractions minières se soldèrent par des échecs, comme ce fut le cas sur Suurico dans le système Solminae ou encore Solad ; système Taféno au sein duquel la misérable colonie minière angara fut engloutie sous la glace il y a plus d’un siècle. Il faut dire que les conditions étaient loin d’être évidentes, Fléau oblige.
Mais cette catastrophe ne changea pas qui ils étaient ou plutôt, qui ils voulaient devenir. Car, bien que perdus, les Angara savaient que ce qu’ils avaient été vivait encore en eux par l’entremise de l’âme qui, croyaient-ils, se perpétuait de famille en famille, génération après génération. Certains membres du culte parlaient de la « croissance infinie de l’âme » qui s’éveillait et se renforçait grâce aux bonnes actions de la vie précédente. Ils la distinguaient de l’esprit ; guidé par les souvenirs ; considérés comme une source de distractions empêchant l’âme de se manifester et de grandir dans son enveloppe charnelle. En outre, de part leur nature profondément ouverte et leur propension à faire l’étalage de leurs sentiments naquit une société horizontale ; totalement dépourvue de hiérarchie et dans laquelle les Angara avançaient ensemble. C’est qu’ils avaient été séparés depuis trop longtemps que pour se quereller sur des sujets aussi délicats que la gouvernance ou la religion. C’est pourquoi, bien que le culte de l’âme et l’esprit fut la croyance principale de ce peuple, les religions et fêtes diverses étaient les bienvenues.
S’ils avaient le choix du type de société qu’ils souhaitaient, il n’en était pas de même quant à l’endroit où installer un semblant de gouvernement. La seule planète relativement stable de tout Héléus se nommait Aya. Là-bas, comme sur Havarl, Voeld et Kadara par ailleurs, la gestion de la société fut laissée entre les mains du Gouverneur. Cet individu devait faire respecter la Loi que chaque Angara s’était engagé à suivre. Compte tenu des circonstances, la principale préoccupation du Gouverneur se cantonnait à la gestion de la population au travers du « Gaba Garessen » ; le Pèlerinage d’Aya vers une planète moins hospitalière et inversement. Le pèlerinage débutait le jour du « Vesaal », le temps du changement. Quand ce dernier arrivait, la population sur Aya partait et d’autres autochtones de Voeld, Havarl ou Kadara la remplaçait afin que tous puissent trouver un peu de repos au moins une fois. Sur le plan pénal, la responsabilité individuelle prévalait et les crimes étaient punis au prorata des dégâts qu’ils engendraient sur la société. La résolution des délits mineurs étaient traités par les Juges ; des personnalités angara respectée parmi la population. Dans le même esprit, les lois commerciales étaient libres (quoique administrées par un Arbitre du Commerce, plus connu sous le nom de Médiateur, sur les places publiques) sauf pour les biens de premières nécessités.
A mesure que leur société croissait sur une base faisant la part belle au collectif et résolument tourné vers l’avenir, les Angara n’en oubliaient pas leur passé pour autant. Près de quatre générations de chercheurs se transmirent le flambeau dans l’espoir de percer les secrets du Fléau et de ce qui fut avant. La perte de la totalité de leurs archives et des faits uniquement relayés par la tradition orale rendaient ce travail difficile. En vérité, existait-il seulement quelque part d’anciennes archives angara ? Pourquoi diable une espèce douée de transmissions d’informations via l’ADN (comme nous l’apprendront les chercheurs de l’Initiative) aurait besoin d’écrire ne serait-ce qu’une ligne concernant le passé…quand il leur suffisait de consulter la mémoire des vies antérieures ? Malgré tout, en 2819, les Angara continuaient d’y croire et de fouiller les ruines de leur secteur. Sur Aya, les recherches d’Avela se focalisaient sur les anciennes reliques. Dans la jungle d’Havarl, Louj Ansen approfondissait l’histoire du berceau de sa civilisation, Kiiran examinait les ruines reliquates et Raashel Vier observait les irrégularités du Fléau pour y trouver d’éventuelles colonies perdues. Sur la glaciale Voeld, le chercheur en chef Knoeth étudiait les carottages de la première couche superficielle de glace sur laquelle reposait la station Hjara ; cette base scientifique en dessous de laquelle s’étalait jadis une gigantesque mer intérieure. Les étudiants de l’Université d’Estraaja, ancienne glorieuse capitale désormais aux mains des Kert, s’y étaient réfugiés pour aider ; tout en se remémorant les rumeurs idiotes au sujet de « la glace qui parle » et cette voix en colère qui jaillissait, disait-on, de l’abime glaciale de Ja Nihiik. Mais les chances de réussites de tous ces chercheurs étaient peu probables, à tel point que « dans un océan de poissons, l’un d’eux aura une gemme dans la bouche » le jour où leur passé referait surface…
Enfin, au niveau technologique, les Angara fabriquèrent leur ordinateur le plus puissant ; le Waarjth-T-Task mais c’est surtout dans l’innovation médicale et agroalimentaire qu’ils se démarquèrent. En effet, on ne comptait plus les remèdes tels que le stimulant Kishari et l’antispetique Sumaar, le stupéfiant Tavum, le Dremaagyr censé apaiser les cauchemars, les lits ioniques, capables de soigner automatiquement et les radiateurs solaires qui évitaient « l’obscurcissement » lié au manque de soleil sur la plupart des mondes en or. Quant à la nourriture, ils étaient devenus maitres dans l’art de la culture et la transformation des denrées. Une récolte pouvait nourrir Aya pendant une année grâce au savoir-faire séculaire des Angara dans la fabrication des pâtes nutritives. Les Paripo et autres Quilloa frais et non transformés étaient devenus des mets de luxe que l’on ne s’offrait uniquement qu’en de grandes occasions. En résumé, les Angara étaient devenus les experts de la survie en territoire hostile.
Et les évènements qui allaient suivre ne feraient que renforcer davantage leurs talents.
Tehet, les Kert
En 2739, après un voyage à la durée indéterminée, L’Archonte observait enfin le secteur 1-19-NYKZ, dont les étoiles étaient obscurcies par le Fléau . A bord du vaisseau-amiral Verakan et accompagné des nombreuses arches kert , dont le Regarikas III, il allait accomplir la volonté du Sénat de Sarhesen et exalter une nouvelle civilisation d’Andromède. Mais pas uniquement. Car ce dernier était persuadé que les Reliquats d’Héléus pouvaient eux aussi servir la cause kert.
Depuis l’étude du système Vaotessa qu’ils croyaient habité, c’était la toute première fois que les Angara rencontraient une autre espèce que la leur. Ces « Vesaan » se montrèrent sous leur meilleur jour, tant sur Havarl que Kadara ou Voeld. Les plus anciens Angara se souvenaient encore de l’Archonte qui paradait au milieu de la foule avec les ambassadeurs ainsi que les Gouverneurs. La stratégie kert était bien rodée : masqués par de fausses amabilités et des cadeaux, ils préparaient dans l’ombre leurs sombres desseins. Quelques temps avant les contacts diplomatiques officiels, une escouade kert venaient de capturer leurs premières proies et archiver les observations initiales sous la référence 8y0938cq7. Ils avaient mis la main sur une espèce particulièrement docile et, surtout, douée de capacités bioélectriques de tout premier ordre pour le Sénat. Les premiers échantillons sanguins prélevés sur les sujets coopératifs permettraient de bientôt débuter le séquençage ADN en vue d’harmoniser leur génome avec le leur. Pour le reste, le plan prévoyait de trouver « Aya » ; pour laquelle il n’existait pas de cartes et vassaliser ensuite complètement les Angara afin de les déporter vers Sarhesen, où ils serviraient l’Empire comme les Thusi, les Ëalehn et les Siriades.
La guerre avait déjà commencé sans qu’aucun habitant d’Héléus ne s’en rende compte. Les cadeaux et les paroles discordantes susurrées à l’oreille des dirigeants angara eurent tôt fait de semer la pagaille dans les rangs. Sous prétexte d’avoir été attaqués par des Angara hostiles, les Kert justifiaient leurs premières incursions et, petit à petit, fracturaient de nouveau une société déjà bien fragile. Havarl accusait Voeld, et vice-versa, quant à l’échec de la voie diplomatique envers l’Archonte. Pendant que le Gouverneur de Voeld se disputait avec celui d’Havarl, l’ennemi avançait dans ses analyses génétiques et anatomiques tout en préparant la manœuvre suivante. Le but des Kert n’avait jamais été d’annihiler les autres civilisations : ils préféraient la ruse à la force, les frappes ciblées aux armes de destructions massives. Tout leur équipement était taillé sur mesure pour ces opérations. Les gouvernes de leurs vaisseaux privilégiaient la furtivité et la plupart de leurs torpilles ne développaient qu’une puissance de 0,11 kilotonne de puissance. Ils ne souhaitaient pas détruire mais bien soumettre.
Et c’est ce qu’ils firent.
Port-Kadara tomba rapidement. Sans un mot, il en fut de même pour Havarl. Les Kert parvinrent aussi à pirater les canaux de communications des spatio-ports ; ce qui permettait de détourner les navettes angara directement dans le piège qui leur était tendu. Sur Voeld, Daar Kulmaal tomba la première, bientôt suivie de Telara, Hjara, Eroesk, Nostraag, Ja Nihiik, Oallis, Solveth, Phaenaan et Estraaja, la capitale désormais assiégée. Seules demeuraient Techiix et ; bien plus loin dans Héléus, Aya, dernier coin de paradis d’un peuple qui avait tout perdu…une nouvelle fois.
Les Angara n’avaient plus d’armée, plus de gouvernement, plus d’espoir. C’est dans ce contexte angoissant que vivait une Angara âgée de 40 ans, à l’époque. Elle était née sur un vaisseau, elle avait l’exploration dans le sang, elle avait son peuple dans l’âme…et elle comptait bien l’aider à se relever.
Elle s’appelait Sjefa.
« Les Kerts ne sont pas un problème simple. Nous ne pouvons pas les réduire à un problème simple. »
Moshae Sjefa
Teroshe, la blague cruelle
Durant presque 75 années d’occupation, les Kert eurent tout le loisir d’étudier les Angara. Ils avaient pu localiser l’organe à l’origine de leurs champs bioélectriques : le Tahon. Il ne fut donc pas bien difficile d’extraire cette aptitude et la transférer aux Anciens. Du reste, le Premier Erudit de Voeld, en charge de l’étude, avait complètement séquencé le génome angara. La phase « Shu » du projet permit d’isoler les caractéristiques de l’espèce angara mais, bien qu’il était possible de recréer l’épiderme photovoltaïque, ses conclusions l’amenaient à croire qu’il serait difficile d’acquérir les capacités de conversion de la lumière en énergie. Cette faculté était solidement ancrée dans l’ADN angara qui était particulièrement beau et dépourvu de redondances obsolètes. Lorsqu’il tenta de transmettre ses données a l’Empire, il constata avec surprise que les communications avaient été coupées. Les rapports d’opérations zt-9329 et zk-7539 n’arrivèrent jamais à destination. En réalité, l’Archonte lui-même avait cessé de communiquer avec l’Empire depuis plus de 39 cycles et ce malgré l’obligation de donner de ses nouvelles tous les 15 cycles.
« La biologie n’a que faire de la poésie. »
L’Archonte
Au sein du Temple, où le procédé d’Exaltation supervisé par le Cardinal avait cours, les données du Premier Erudit étaient précieuses en vue de l’harmonisation du génome angara. D’autant plus qu’il subsistait un problème durant le procédé. Les Kert ne comprenaient toujours pas cette étrangeté dans la phase électro voltaïque de fécondation des Angara. Il fallait cependant tenir le cap et continuer le travail. L’Exaltation consistait à introduire l’ADN kert dans le corps de l’espèce vassalisée. Grâce à un vecteur alien inconnu, ce dernier se propageait et écrasait l’identité de la victime qui devenait Kert ; soumise par un contrôle hormonal puissant. Avant l’injection, les Angara capturés suivaient un parcours prédéfini. La « Purification » visait à laver le cerveau au travers de cours théoriques. Ensuite ils devaient subir une décontamination ayant préalablement détruit leur système immunitaire avant l’introduction de l’ADN alien. « L’engagement » consistait à entrer dans le module de stase kert et, enfin, « L’Eveil » faisait référence à l’injection fatidique par laquelle la victime s’éveillait à sa nouvelle vie de Kert. En bout de chaine, l’Archonte pouvait proposer à ses subalternes de « Venir se reposer sur les épaules de l’Archonte » ; comprendre par là qu’il était possible d’obtenir plus de son ADN, de nouvelles capacités. Une étude de l’Initiative prouvera qu’une seule base ADN compose l’intégralité du matériel génétique kert d’Héléus. S’agit-il de celui de l’Archonte ? Ou bien d’une autre entité ? Toujours est-il que cette information sème le doute chez une espèce, qui plus est, dépourvue d’organes reproducteurs.
« C’est…mon peuple. C’est nous. Combien j’en ai tués sans savoir ? Ryder, je n’en savais rien. »
Jaal
Bien que la production d’Elus et Consacrés avançait à bon rythme, la conquête du système Héléus piétinait à cause de la fâcheuse obsession de sa Clarté envers les machines reliquates. Les ressources matérielles et kerts étaient alloués à des projets d’excavations plutôt qu’à la poursuite des intérêts impériaux. La grogne montait au sein des rangs; à tel point que la Primus avait désormais du mal à la contenir. Si le Préfet Zgtt maintenait l’ordre sur Voeld, il n’en était pas de même sur Eos. L’Invaincu, en charge de la production électrique des générateurs kert des dunes de Tienbon doutait désormais de la capacité de son leader à poursuivre la voie qui avait toujours été la leur. Bien qu’il n’en montrait rien, décapitant le moindre Kert qui osait critiquer l’Archonte du haut de la salle Zenith surplombant Eos, il ne pouvait s’empêcher, lui aussi, de leur donner raison. Quelques années plus tard, lorsque les colons de l’Initiative déploieront Promesse et Résilience, l’ingénieur kert Decanir s’interrogera lui aussi sur le bien fondé de la maintenance des générateurs et des attaques sur l’Initiative alors qu’il aurait été plus utile, selon lui, de piller leurs ressources matérielles et génétiques. La Primus, de son côté, perdait peu à peu patience envers son leader dont les actes devenaient de moins en moins justifiables.
« Je repose sur les épaules de sa grandeur. Tout comme eux. Et comme vous, un jour.»
Le Cardinal
Gosavar, la Résistance
« C’est le moment présent qui fait rêver les Angara. Ils ne se battent pas pour un meilleur avenir, non. Ils le font parce qu’ils n’ont pas de présent. »
Jaal
Sjefa avait 115 ans désormais. Elle avait passé toute sa vie dans l’angoisse de voir son peuple disparaitre à cause des Kert. Mais il avait tenu bon, enraciné à sa terre depuis presque 80 années. Quant à l’envahisseur, il semblait maintenant focaliser son attention sur les ruines reliquates… tout comme elle. Sjefa était persuadée que la victoire viendrait non par les armes mais par la connaissance, c’est pourquoi, durant tout ce temps, elle étudia. Elle connaissait désormais mieux que quiconque le caveau d’Aya ainsi que l’existence de Meridiane, le cœur du réseau de caveaux et l’objet de toutes les convoitises de l’Archonte. Peu à peu, on commença à l’appeler « Maitre-Inventeur » : « Moshae » Sjefa ; un titre affectueux qui renvoyait à une époque où les Moshae étaient partout dans Héléus pour guider leur peuple.
Mais bien qu’elle fut le phare dans la nuit de nombreux Angara, il manquait une figure d’autorité sur le plan militaire. Quelqu’un capable de rassembler les troupes éparses et reprendre le chemin de la victoire. Tandis que la Moshae enseignait à ses élèves Jaal Ama Darav, Daanfra et Akksul, un Angara s’éleva enfin de la mêlée. Il venait de réussir l’impossible : libérer un camp de travaux Kert et raviver par la même occasion la flamme qui couvait sous les cendres d’Héléus. Evfra de Tershaav s’imposa comme un leader naturel après ses multiples victoires sur les Kert. Et ainsi, avec une poignée de civils, naquit la Gosavar.
« Nous sommes un peuple rempli d’espoir qui vient de recevoir une nouvelle raison d’espérer. »
Jaal
Ce mouvement de résistance fut bientôt rejoint par les élèves de la Moshae, Jaal et Akksul. Jaal n’avait pas grand choses à perdre car il n’avait connu que la guerre. Cela faisait longtemps qu’il était orphelin de son père dont le corps n’avait jamais été retrouvé et de son frère Neraav, tué au combat au nom de la Résistance. Il lui restait certes sa mère biologique, Sahuna, ses 5 autres mères et ses innombrables cousins, cousines mais rien qui puisse effacer les pertes antérieures et, surtout, le sentiment d’avoir une vie dénuée de sens, en dehors de la lutte contre les Kert. Quant à Akksul, on le disait changé par les supplices qu’il avait subis durant 1 an lors de sa captivité dans un camps kert. Sa capture avait fait de lui un Angara hargneux, fondamentalement en colère contre les étrangers et aussi contre le reste de son peuple qui n’était pas venu à son secours, faute de moyens. Depuis ce jour, les rumeurs faisaient état d’une nouvelle faction qu’il s’était entêté à créer avec d’autres qui pensaient comme lui, avec la haine au ventre : les Roekaar, le nom des anciens soldats défenseurs d’Héléus. Mais au lieu de réellement défendre les siens, il faisait en réalité le jeu de l’Archonte en affaiblissant la Résistance.
Après toutes ces décennies, le front principal s’était déplacé presque exclusivement sur Voeld. Depuis la venue d’Evfra, 5 ans déjà, la Résistance récupérait du terrain vis-à-vis des Kert : Hjara était de nouveau aux Angara. Pour ce faire, Evfra avait changé drastiquement la manière de combattre de ses troupes en passant d’une tactique de guerre standard à une véritable guérilla. Sous son commandement, le taux de létalité contre les Kert avait augmenté de 600 %. Il avait de plus fractionné les forces armées en cellules indépendantes assurant la sécurité de chacun en cas de capture. Sur place, le Commandant Anjik Do Xeel coordonnait les opérations depuis le quartier général caché à flanc de montagne. La technique était simple : défense maximale et attaque éclair. Les dispositifs de tous les bastions angara étaient si importants qu’il était devenu impossible aux Kert de capturer d’autres sujets d’études. Ils devaient se contenter d’attaques ciblées sur des voyageurs lors de déplacements entre deux Daara. Souvent, les Angara profitaient de ces attaques prévisibles : ils n’hésitaient pas à piéger des véhicules angara comme kert, laissant le soins à la déflagration de tout emporter sur son passage. C’était devenue chose aisée pour le chef du renseignement Davja Kaas d’anticiper les mouvement et adopter les mesures adéquates.
Grâce à la Résistance, les Kert avaient dors et déjà essuyé beaucoup de revers. Toutefois, ils ne pouvaient s’attribuer qu’à eux-mêmes leur plus colossal échec : la perte totale d’une base. L’Archonte avait exigé de forer le sol de Voeld pour accéder au caveau par la force. Après un an d’excavation, les Kert n’avaient fait que réveiller l’Architecte qui sommeillait sous terre et qui décima une grande partie de leurs forces. La Résistance aussi éprouvait quelques difficultés quant à l’approvisionnement. Les PerhanRook (un mot angara qui combine les termes « endurance » et « six montagnes moins une ») constituaient le gros des transporteurs de marchandises mais ils avaient toutefois l’inconvénient d’être particulièrement visibles. C’est pourquoi, en accord avec leur nouvelle tactique, les Angara privilégiaient désormais les caches, quelles soient médicales ou de munitions. Malheureusement, le matériel n’arrivait plus, détourné en grand partie par leurs frères Roekaar, au grand désarroi d’Olisk, le responsable logistique de Voeld. La situation se compliquait également pour les Docteur Harhin et Selaa qui peinaient à soigner à la fois les blessures de guerre et les maladies liées à la diminution du système immunitaire des soldats. A force de vivre terrés sous terre, l’obscurcissement œuvrait doucement mais surement à l’affaiblissement général et les radiateurs solaires n’y changeaient rien. Ils leur fallait gagner, et vite, afin de récupérer le semblant de vie qui était jadis la leur. D’autant que les Kert avaient récemment augmenté les attaques sur les Daara, ce qui obligeait les Angara à défendre constamment au lieu de préparer des raids sur l’ennemi. Et, malgré l’usage des forces spéciales Heskaarl (similaires au N7) de la Résistance, un certains statu-quo s’était installé entre les deux factions qui se regardaient en chien de faïence de part et d’autre de la vallée.
Jarevaon Imasaf, la Voie Lactée
Si la guerre s’éternisait à ce point, c’était en grande partie à cause de l’Archonte qui avait redistribué le gros de ses forces sur Khi Tasira, « Le lieu de l’Ascension », autrement connu sous le nom de Méridiane. Les autres ressources avaient été allouées aux forages divers, aux monolithes, le Temple de Voeld et Ja Nihiik. Cette situation commençait à peser sur le moral des Kert. Les ordres devenaient de moins en moins clairs, les voix se faisaient confuses entre celles de l’Archonte, la Primus et les Préfets. Plutôt que de mener à bien l’Exaltation totale d’Héléus, l’Archonte s’entêtait à interroger cette « Moshae Sjefa » capturée grâce à la trahison d’un Angara appelé Vhen Terev. Ce n’était pas n’importe qui : Terev était un Commandant de la Résistance… sa trahison était donc très mal vécue par Evfra. Pendant ce temps, l’Archonte pensait soutirer des informations à la Moshae au sujet des Reliquats. Quant à Vhen, il pensait qu’en sacrifiant la Moshae, les Kert laisseraient son peuple en paix.
Il avait tort.
Il fallait en outre ajouter à la situation un autre motif de préoccupation : des éclaireurs des deux camps s’inquiétaient de l’arrivée soudaine et brutale d’une immense station spatiale de plusieurs kilomètres de long. Elle sortait tout droit de l’Abîme, probablement de Jarevaon Imasaf, la galaxie en forme de coquille de Masaf que les Angara observaient depuis si longtemps. De nouveaux étrangers, de nouveaux problèmes. Très vite, un groupe se faisant appeler « Exilés » prit possession de Port-Kadara en y chassant les Kert. Mais plutôt que de le rendre aux autochtones ; ils en firent leur demeure et en donnèrent les clés à leur leader : Sloane Kelly. Au vu de leur éclatante victoire, certains Angara eurent même l’audace de les rejoindre : ils devinrent des déserteurs aux yeux de la Résistance. Les Roekaar, eux, ne l’entendaient pas de cette oreille et comptaient bien tout faire pour récupérer leurs terres. Les Exilés de Kadara et la rencontre percutante avec les Turiens d’Havarl avaient échaudé les esprits. La cause d’Akksul gagna le cœur de nombreux autres Angara, ce qui allait mettre en difficulté à la fois la Résistance dans son effort de guerre mais aussi le gouvernement de Paaran Shai vis-à-vis de l’Initiative. Les liens familiaux et la culture angara empêchaient en effet la Résistance et les Roekaar de s’attaquer mutuellement. Il deviendrait donc difficile de se justifier face à l’Initiative ; lorsque les relations entre les deux factions s’amélioreraient ; à force de victoires communes, 14 mois plus tard.
Tuer un Angara serait effectivement un parjure après tout ce qu’ils avaient enduré. Ils avaient déjà tellement souffert du Fléau, de la séparation durant un siècle ainsi que l’esclavage des Kert. Les étrangers n’amenaient que le malheur, n’est-ce pas ? Et maintenant, voila que la famille risquait de nouveau de se déchirer entre Gosavar et Roekaar, voila qu’ils devraient se faire violence en combatant leurs frères et sœurs devenus Kert…
Voila qu’ils devraient choisir entre le passé ou l’avenir. Choisir de croire que l’Etranger était forcément mauvais ou lui laisser une chance de devenir un ami. Choisir de croire que rien n’était immuable et que l’étoile Vaalon se lèverait de nouveau dans le ciel d’une civilisation resplendissante, libre de rêver du futur plutôt que d’espérer le présent.
Aya entamait alors sa 826ième révolution autour de Onaon…quand Ryder rencontra enfin les Angara.
« Nous nous sommes élevés de rien pour toucher les étoiles. Nous avons fait de nombreux mondes nos foyers. Ne pleurez pas ce que les Kert nous ont volé. Fêtez ce qu’il nous reste. Toute chose a une fin et laisse place à une vie nouvelle qui vient remplir le vide.
La famille grandit pour toujours. »
Dédicace des Jardins Angara.
Nous vous donnons rendez-vous très bientôt pour explorer comme jamais auparavant le monde des Jardaan…