Le temps se sera bien vite écoulé depuis la toute première présentation de Mass Effect en 2005 à Amsterdam, à l’époque où Bioware voulait vous montrer son « RPG du futur ».
Porté par d’aussi prestigieux ancêtres que Jade Empire et KOTOR (mais aussi le célèbre Baldur’s Gate), Mass Effect avait encore tout à prouver. La promesse était néanmoins là avec une saga étalée sur plusieurs jeux, des protagonistes entièrement doublés par de grands noms et des séquences de dialogues innovantes.
Mais voila qu’en 2021 le RPG du futur a pris un petit coup de vieux indéniable. Partant de ce constat, l’équipe en charge du remaster décidait alors de boucler la boucle en ramenant ce jeux du passé dans le futur qu’il a si merveilleusement contribué à créer, tel qu’expliqué par Mac Walter (le directeur du projet) dans une précédente interview.
« On a passé littéralement 20 minutes à se convaincre nous-mêmes que quelque chose n’allait pas »
Mac Walters se souvient avec nostalgie de la fin du projet : le vendredi après-midi était consacré aux sessions de jeu sur la trilogie originale afin de mieux se rendre compte des avancées de l’équipe. Mais ils avaient tous tant pris l’habitude de jouer au remaster que l’original leur semblait étrange. Ils étaient obligés de regarder des vidéos sur Youtube afin de se convaincre que ce qu’ils voyaient était bien leu jeu d’origine et non le fruit d’un bug sur leur console ou PC.
Le point de départ de la Legendary Edition était d’unifier les trois jeux sur le plan esthétique. Dans la mesure où le joueur incarne Shepard tout au long de la trilogie, il était important pour l’équipe de lisser les écarts visuels entre chaque opus afin de rendre le tout encore plus immersif.
Pour ce faire, Kevin Meek, Environment Director, a utilisé quelques techniques détaillées dans notre précédent article tout en s’appuyant sur le travail réalisé par la communauté des moddeurs.
C’est sur cette base que les artistes ont visité chaque zone du jeu afin de mieux se rendre compte de ce qui fonctionnait ou pas et modifier en conséquence certains paramètres permettant de mieux retranscrire le concept initial de chaque lieu de Mass Effect. La plus grande puissance de calcul des machines actuelles leur a également permis de remplir certains espaces ou, au contraire enlever des murs qui servaient à masquer une zone en pré-téléchargement pendant les déplacements de Shepard; comme par exemple le Port Hanshan de Noveria, bénéficiant désormais d’une vue plus dégagée sur l’ensemble du niveau.
Au niveau des éclairages et effets lumineux, Kevin Meek a conscience que bien que 10 scènes puissent sembler mieux avec de nouveaux paramètres, 10 autres paraitront moins bien que dans le jeu original et se verront donc pointés du doigt par une partie de la communauté.
Dans le même temps, le travail effectué sur les Mods a été décortiqué pour évaluer ceux qui ont demandé le plus de travail mais aussi ceux qui étaient le plus utilisés par la communauté des fans. Les forums ont eux aussi été analysés afin de faire concorder les améliorations apportées au remaster avec la demande réelle des fans.
Cette grande base de données a également permis de mettre en évidence plusieurs bugs récurrents dans la saga tels que :
- Les « Black Blobs » de Mass Effect 1 (affectant les ennemis sur les planètes à découvrir, sur les CPU AMD)
- Shepard qui reste coincé au sommet d’objets ou murs dans Mass Effect 2. Ce bug aura nécessité 1 mois de travail pour être corrigé.
- Le visage brouillé de Garrus, causé par l’utilisation erronée de textures basse résolution (utilisées en principe lorsque Garrus est à distance de Shepard)
- Les défauts d’animation lors des dialogues. Certains personnages pouvaient en effet regarder du mauvais côté ou loucher pendant leur discours. Cela provenait d’une fonction appelée « Look At » qui forçait le personnage à regarder un point précis prédéfini par les développeurs. Quand le personnage fixait ce point, il louchait ou regardait au mauvais endroit, tout simplement ! D’après Kevin Meek, il reste quelques séquences dans lesquelles vous vous demanderez encore si tel personnage est atteint de strabisme mais les équipes ont toutefois essayé de minimiser ces défauts au maximum.
Malgré tous ces changements, Bioware savait à quel point Mass Effect est une histoire personnelle pour chaque fan. C’est pourquoi la plupart des changements affectant le gameplay n’a pas été imposé aux joueurs.
Ainsi, dans Mass Effect 1, s’il est bien possible de couper court aux discussions du commando dans les ascenseurs, de bénéficier de la conduite améliorée du Mako ou encore de limiter le niveau à 30 au lieu de 60 (un simple équilibrage pour être homogène avec les 30 niveaux de Mass Effect 2 et 3 : vous pourrez atteindre le niveau maximum en une seule partie et disposerez à la fin du même nombre de points de compétences à répartir dans les deux cas), rien ne vous sera imposé. Libre à vous de rejouer Mass Effect 1 comme au premier jour de sa sortie, graphismes mis à part.
« Il y a certainement dans Mass Effect 1, et même dans certaines parties de Mass Effect 2, un voyage plus méditatif dont vous pouvez profiter »
Mac Walters et Kevin Meeks ont également eu à cœur de ne pas dénaturer l’aspect purement contemplatif et unifié des niveaux gigantesques présentés dans Mass Effect 1 et, dans une moindre mesure, Mass Effect 2.
Le Directeur de projet s’est plusieurs fois surpris lui-même à admirer pendant de longues minutes les décors des planètes inconnues de Mass Effect 1 ou simplement se laisser aller aux scans planétaires de Mass Effect 2.
« Marcher dans le Présidium ou Noveria peut être frustrant […] » nous dit Mac Walters, « Mais nous voulions donner une impression de grandeur, comme si vous pouviez vous y promener durant des heures et des heures »
Kevin Meek se dit lui aussi impressionné par une structure qu’il ne retrouve plus dans les jeux modernes. Dans Mass Effect 1, tout est construit d’un bloc tandis que les productions plus modernes se contentent d’imbriquer des morceaux de niveaux les uns avec les autres.
« C’est quelque chose qui démarque le jeu original de ses suites et c’était ce feeling que nous voulions conserver. Il y a un petit truc de spécial dans le fait que ces niveaux étaient « mal construits » mais aboutissaient finalement sur quelque chose de mémorable, de différent par rapport aux autres jeux que vous avez vus. Vous êtes dans ces niveaux et vous vous retrouvez sans gravité sur le flanc d’un vaisseau, en train d’utiliser vos pouvoirs biotiques pour envoyer des ennemis dans l’espace. C’est vraiment difficile à recréer de nos jours. […] Honnêtement, c’est quelque chose que je veux conserver dans chaque chose que je ferai ; aller de l’avant avec cette idée : ne te réfrènes pas.
Mac Walters termine cette interview en définissant le remaster de Mass Effect comme une chance unique et rare dans l’industrie du jeu vidéo. Une chance qui lui permet de rapprocher davantage Mass Effect de la vision globale et originale qu’avaient ses créateurs lors de sa conception. Il s’agit aussi d’une opportunité de réparer certains bugs et d’incorporer l’expérience acquise dans le tout premier jeu.
Une chance rare dans une industrie sans cesse sous pression et qui doit déjà penser au jeu de demain avant même d’avoir achevé celui d’aujourd’hui.
Source : PCGamer