Vous verrez...
Et bien maintenant, c'est du tout vu ! Car voilà, après plus de dix jours, je vous présente ma dernière fiction. Car ceci est un adieu.
J'espère que vous ne me tiendrez pas rigueur des lourdeurs, des fautes, du côté niais et fleur bleu
Il ne me reste qu'à vous souhaiter une bonne lecture... Des 39 pages A4 qu'elle fait :p
Première partie :
SpoilerMass Effect : Le temps d'un battement de cil.
Le bar commençait à se remplir en ce milieu d'après-midi. L'Asari était assise dans son coin, seule. De sa main, elle touillait sa boisson, comme depuis près de cinq minutes, songeuse. Son regard balayait la pièce sans la voir cependant qu'elle repensait à son dernier voyage dans la bordure skylienne. Combien de planètes avait-elle visité en tout et pour tout dans le siècle passé ? En réalité, elle ne s'en souvenait pas. Et au final, cela n'avait que peu d'importance. Elle errait sous l'impulsion de sa mère, à la recherche d'un but, de quelque chose capable de lui redonner le sourire. Bien sûr, en près d'un siècle, elle avait ri, fait la fête, profité de la vie. Mais jamais le vide dans son coeur ne s'était réparé, jamais il ne s'était refermé. Elle laissa échapper un soupir morne et se repositionna sur sa chaise, sa cuisse commençant à l'élancer et à devenir insensible. Le dernier monde où elle avait fait halte était Elysium. Une colonie fondée par l'Alliance, désormais pleinement cosmopolite. Ses rues bondées, ses citoyens pressés, son activité constante lui avaient laissé un sentiment de frustration. Là bas, comme partout, la vie suivait son cours, bien loin de ses attentes ou de ses préoccupations. Elle avait la sensation d'essayer de reprendre un train en marche sans jamais parvenir à poser ne serait-ce qu'un pied dessus, laissée à l'abandon sur le bas côté. Au final, elle ignorait ce que sa mère attendait d'elle. Ce qu'elle voulait qu'elle trouve. Elle même semblait avoir fait le deuil, ce qui plongeait la jeune Asari dans une mélancolie plus profonde encore. Elle laissa échapper un nouveau soupir en songeant à la façon dont les autres Asaris la percevaient. Sa mère lui avait dis : Tu as ta sensibilité propre. Et c'est ce qui plaisait à ton père. Son père... Pourquoi les Asaris se mettaient-elles en couple avec des Humains ? Leur espérance de vie était si infime comparée à la leur... Ils venaient et repartaient, en l'espace d'un instant, pour ne laisser qu'une douleur qui jamais ne se refermait.
Elle avait aimé son père... Elle aimait son père ! Et la douleur de sa disparition ne s'était jamais résorbée. Elle sentit une larme poindre au coin de son oeil et l'essuya bien vite, se refusant de se laisser aller à la mélancolie. Quelqu'un se racla la gorge près d'elle et posa sa main sur la chaise à coté de la sienne. La jeune femme releva la tête avec un sourire qui disparu aussitôt en découvrant une Humaine.
- Vous savez, je pense que votre boisson est bien mélangée maintenant. (Déclara celle-ci dans un sourire.)
Elle avait les cheveux d'un rouge profond, noués en une queue de cheval et des yeux d'un bleu marine pur. L'Asari resta silencieuse devant l'affirmation de l'Humaine, gardant son regard fixé sur sa chevelure.
- Cette chaise est libre ? (S'enquit la jeune femme sans se départir de son sourire.)
L'Asari referma la bouche et se racla la gorge, détournant les yeux.
- Oui... Enfin...
- Je ne vous embêterais pas longtemps.
L'Humaine prit place et posa sa bouteille sur la table, empli d'un liquide vert que l'Asari ne parvint à identifier.
- Je m'appelle Kaicy.
Elle fit jouer ses doigts sur le nacre du meuble et attendit patiemment une réponse de l'Asari. Voyant que celle-ci demeurait silencieuse, elle reprit la parole.
- Vous m'avez l'air bien morose.
- Et vous bien joyeuse...
- Vous avez des soucis ?
- Que voulez-vous de moi ?
- Oh, rien. Discuter un peu...
L'Asari se renfonça dans son siège, évitant soigneusement tout contact visuel avec son interlocutrice.
- Je ne crois pas être la personne la mieux placée pour ça.
Elle laissa son regard courir dans la salle, voyant pour la première fois les tables qui parsemaient le bar. La plupart étaient occupées par des groupes entiers qui buvaient et discutaient joyeusement.
- Vous êtes seule. Dans votre coin. (Répondit Kaicy avec douceur.)
- Je vous remercie pour votre condescendance... Mais c'est un choix, vous savez.
- Et pourtant, il ne semble pas vous ravir. (Nota Kaicy d'un ton amical.)
- J'ai mes raisons. Des raisons qu'un Humain ne peut pas comprendre. (Répliqua l'Asari d'une voix acerbe.)
- Mon espèce vous dérange ?
- Non... (Fit-elle en écarquillant les yeux, croisant de nouveau le regard de l'Humaine.) Pas du tout, c'est juste que...
Kaicy se pencha légèrement sur la table, plongeant ses yeux dans ceux de l'Asari.
- Dites-moi.
L'intéressée ouvrit la bouche pour la refermer aussitôt, peinant à trouver ses mots, troublée.
- C'est... (Commença-t-elle d'une voix hésitante.)
- Je vois que je tombe mal. (Fit une voix sur sa gauche.)
L'Asari tourna la tête, prise au dépourvu, et offrit un franc sourire à la nouvelle venue. Celle-ci le lui rendit, écartant les bras. La jeune femme se leva et s'y engouffra dans une douce étreinte. Elles restèrent ainsi, blotties l'une contre l'autre pendant de longues secondes. L'Humaine se redressa et recula d'un pas, gênée.
- Je suis contente de te voir, Tany.
- Moi aussi, Kaylah.
- Tu m'as un petit peu stressée... (Poursuivit sa soeur, amusée.)
- Et toi, tu es en retard.
- Je suis de trop, je crois. (Intervint Kaicy.) Je vais vous laisser.
- Nous sommes soeurs. (Confia Kaylah avec un sourire entendu.) Tu ne nous présentes pas, Tany ?
- Oh, eh bien...
- Nous venons à peine de faire connaissance. (Répondit Kaicy, quelque peu mal à l'aise.)
- Je vois... Alors peut-être serait-ce à moi de vous laisser... (Fit l'Asari d'une voix malicieuse.)
- Kaylah !
- Quoi ? Tu pourras venir dîner à la maison. (Répliqua sa soeur, amusée.) Accompagnée peut-être même.
Itany se renfrogna et Kaylah fit un clin d'oeil à l'Humaine. Elle embrassa ensuite sa soeur.
- Bon, je vais y aller. Dîner demain soir.
- Non mais attend...
- Vingt heures demain soir, ne sois pas en retard !
Et Kaylah s'éloigna sans plus attendre, sous le regard ahuri d'Itany.
- Kaylah ! (S'écria-t-elle avant de souffler pour elle même : ) J'y crois pas...
Elle se laissa choir sur sa chaise d'un air morne. Kaicy demeura droite et se racla finalement la gorge après un long silence gêné.
- Je suis désolée, je ne voulais pas...
Itany balaya la remarque d'un geste de la main.
- Ce n'est pas vous, ne vous inquiétez pas. Elle ne reste jamais longtemps de toute façon.
- Je n'aurais pas dû vous déranger. Je vais vous laisser...
- Non, asseyez-vous. (Devant l'hésitation de l'Humaine, elle ajouta avec un sourire : ) S'il vous plait.
Kaicy lui sourit en retour et reprit place face à l'Asari.
- C'est donc votre soeur.
Itany acquiesça.
- ça se voit tant que ça ? (Fit-elle d'une voix pleine d'ironie.)
- Et maintenant, je connais votre nom. (Continua Kaicy d'un ton victorieux.)
- C'est vrai. C'est le minimum pour demain soir.
Kaicy dévisagea l'Asari. Mais celle-ci évitait sciemment son regard depuis de longues secondes déjà.
- Elle n'était pas sérieuse je suppose...
- Libre à vous de ne pas venir. Mais... Si, elle était sérieuse.
- Vraiment ?
Itany se contenta d'opiner et Kaicy se sentit rougir quelque peu.
- Mais... Et vous, que désirez-vous ?
Itany tourna son regard vers elle, détaillant son visage. Elle s'attarda sur son nez, ses pommettes, ses lèvres... Et évita ses yeux pour se concentrer sur ses cheveux cependant que l'Humaine y glissait une main, entortillant une mèche le long de ses doigts fins. Leur couleur faisait remonter de nombreux souvenirs en elle, qui la rendèrent mélancolique. Ses doigts plongeaient dans une chevelure similaire, se perdant dans cet océan rouge au contact si doux et soyeux. La complicité de moments privilégies partagés dans une vie qui lui semblait désormais étrangère... Si éloignée...
- Itany ? (Fit l'Humaine de sa voix douce.)
L'intéressée secoua doucement la tête pour revenir au moment présent.
- Pardon... Vous disiez ?
Kaicy laissa échapper un petit rire.
- Je vous demandais ce que vous vouliez. (Répéta-t-elle avec plus de sérieux, son regard essayant de capter celui de l'Asari.)
- Je veux... (Commença Itany avant de laisser échapper un soupir.) Je voudrais m'excuser, pour... Mon comportement de tout à l'heure.
- Il n'y a rien à pardonner.
- Je pense que si.
- Alors, disons que je vous pardonne.
Itany sourit.
- Et quant au dîner... Pourquoi pas ? Nous avons un peu de temps pour apprendre à nous connaître mieux.
Kaicy opina.
- D'accord. A vous de commencer.
Itany s'humecta les lèvres.
- Pourquoi être venue spécifiquement vers moi ? (S'enquit-elle sans une once de reproche dans la voix.)
- Comme ça, sans raison. (Répondit l'Humaine après une brève hésitation.)
- Il y a toujours une raison.
Kaicy fit la moue.
- Honnêtement, je ne sais pas vraiment... Vous sembliez triste... Seule... ça fait deux jours que vous êtes là, perdue dans vos pensées, à cette table, alors je me suis dit... (Elle haussa les épaules.) En fait, je ne sais pas ce que je me suis dit. J'ai juste eu l'envie de venir vous parler...
Itany observa l'Humaine à la dérobée, le regard de celle-ci se faisant désormais fuyant, et lut sa sincérité dans ses traits ainsi que sa confusion. Pourtant, elle supputait qu'il y avait plus...
- Je vois. (Dit-elle avec amabilité.)
Elle lui offrit un sourire et Kaicy se racla la gorge.
- A moi de vous poser une question.
- Je vous écoute.
Les deux femmes marchaient dans la rue, en se tenant par le bras. Itany n'était pas des plus à l'aise, mais elle devait bien admettre que la présence de l'Humaine lui réchauffait le coeur. Sa compagnie lui était agréable et rendrait peut-être la soirée avec sa famille plus intéressante. Elle l'observa du coin de l'oeil. Elle portait une robe aux tons mauve avec un petit décolleté des plus ravissants. Le tissu était fin et soulignait délicatement ses formes. Son maquillage était léger, un peu de crayon autour des yeux, de l'ombre à paupière et un rouge à lèvres clair. Son regard en était captivant. De son coté, Itany ne s'était pas maquillée, même si elle avait mis un peu de brillant sur ses lèvres. Sa tenue était plus simple aussi : Une robe bleu qui montait jusqu'au cou, mais laissait le haut de son dos nu à partir des seins, et des gants de la même couleur qui montaient jusqu'à ses coudes.
- Merci d'être venue, Kaicy.
- ça promet d'être une soirée intéressante. (Fit celle-ci avec un sourire malicieux.)
- J'espère qu'elles ne te poseront pas trop de question.
La jeune Humaine rit. Et Itany constata qu'elle aimait ce son.
Kaicy prit un peu de savon et passa ses mains sous l'eau chaude. Elle avait le coeur qui battait fort et s'efforça de se calmer. Mais excitée comme elle l'était, c'en était presque peine perdue. L'odeur de l'eau savonnée lui parvint aux narines et elle la respira longuement, portant ses mains à son nez. Il y avait une senteur fruitée mélangée à celle de la rose, mais elle ne parvenait pas à savoir laquelle. Elle laissa tomber et finit de se laver les mains. En tout cas, l'appartement de la famille d'Itany était charmant. Plus grand que ce à quoi elle s'était attendu et très typé terrien. La soirée était agréable, bien que la famille d'Itany aimait à la charrier, ce qui mettait celle-ci dans l'embarras, et n'était pas avare en questions la concernant. Mais Kaicy se sentait bien, malgré la sensation de chaleur dans ses joues. Les Asaris semblaient apprécier les températures élevées... A moins que ça ne soit l'effet du vin. Dans tous les cas, elle n'avait aucun regret. Itany elle même semblait plus ouverte, plus abordable, ce qui ne la laissait pas indifférente... Elle croisa son regard dans le miroir et décida de se recoiffer.
Les trois Asaris étaient assises à table, attendant le retour de l'Humaine dans un silence... Tendu.
- Elle est très jolie. (Déclara sa mère.)
Itany se contenta d'hausser les épaules pour toute réponse, évitant de croiser le regard de sa mère. La soirée avait pourtant bien commencée...
- Elle lui ressemble. (Poursuivit-elle sans tenir compte de la réaction de sa fille.)
- Stop, Maman ! (S'écria Itany.)
Celle-ci se pinça les lèvres.
- Bon... Je ne dis plus rien. Mais tu n'es pas la seule à en souffrir.
L'Asari se leva brusquement.
- Merci pour l'invitation. (Dit-elle avant de lever la voix.) Kaicy, je m'en vais !
Et elle partit en direction de la porte. Kaylah et sa mère allèrent à sa suite.
- Itany, attend...
- Non, Maman. (Fit celle-ci d'une voix sombre, lui tournant le dos.) Non...
- Accorde-moi un instant. Juste un instant, tu veux bien ?
La jeune femme hésita longuement avant de finalement acquiescer. Sa mère retourna dans le salon et disparut durant de longues secondes. Kaylah dévisagea sa soeur d'un regard accusateur.
- Tany...
- Kaylah. (Répondit celle-ci d'une voix froide.)
Leur mère revint quelques instants plus tard, un paquet dans les mains. Kaicy se tenait à coté d'elle, l'air perdu mais se retint de dire quoi que ce soit.
- Tiens, Tany. Joyeux anniversaire. Un peu en retard.
La jeune femme regarda tour à tour sa mère et le paquet, le souffle soudainement court. Elle avança des mains tremblantes en direction du cadeau, se figea, puis le prit avec délicatesse. Elle ne défit pas le papier, les doigts crispés dessus, ses yeux fixant le sol.
- Je... (Souffla-t-elle avec émotion.) Merci, Maman... Merci Kaylah...
- Rentre bien, chérie.
L'Asari ne fit pas le moindre geste, dans un silence gêné. Sa mère s'approcha pour déposer un baiser sur sa joue. Itany s'engouffra alors dans ses bras.
- Merci... (Soupira-t-elle.)
Sa mère l'enlaça en réponse.
- On t'aime.
Elle hocha vivement la tête et essuya les larmes qui menaçaient d'emplir ses yeux.
- Je sais. Moi aussi.
Et elle quitta la maison. Kaicy la suivit, non sans dire au revoir aux deux Asaris.
- Je suis désolée...
- Non, jeune Kaicy. C'est nous qui sommes désolées.
Kaylah opina pour soutenir sa mère et la jeune Humaine s'éclipsa. Elles échangèrent un long regard.
- Je la croyais prête.
- Moi aussi...
Itany était déjà loin quand Kaicy quitta l'immeuble pou rejoindre la rue. Elle l'appela, mais l'Asari ne réduisit pas l'allure. L'Humaine marqua une hésitation avant de finalement courir à sa suite. Elle la rattrapa après quelques secondes pour constater qu'Itany pleurait.
- Attends-moi.
- Je suis désolée. Je te remercie d'être venue et...
Kaicy attrapa la main d'Itany et la force à se retourner vers elle. Les deux femmes échangèrent un long regard. Le silence étendit son étreinte sur la rue, ne laissant que le faible souffle d'un vent factice. L'Humaine ouvrit la bouche pour la refermer aussitôt, perdant son regard dans les profondeurs insondables de celui de sa compagne. Celle-ci avait les yeux rougis par les larmes, emplis d'une tristesse, d'une détresse dont Kaicy ne pouvait qu'imaginer la portée. Ses doigts caressèrent les siens avant de se refermer dessus avec douceur. Elle fit un pas hésitant, puis un autre. Itany la dévisageait toujours avec la même intensité, ses yeux rivés dans les siens, sans bouger ni prononcer le moindre mot, comme dans l'attente de ce qu'elle allait faire. Et c'est alors que l'Humaine l'embrassa. Leurs lèvres s'unirent dans un baiser tendre mais passionné. La main d'Itany amena celle de Kaicy dans son dos, l'invitant à se blottir contre elle comme de son côté elle allait pour caresser son visage. Elle se fit plus sulfureuse, sa langue se lançant à la rencontre de celle de sa compagne pour la guider dans une danse sensuelle. De longues secondes s'écoulèrent avant qu'elles ne se séparent, chacune désireuse de reprendre son souffle. Itany se mordilla la lèvre inférieure, les yeux fermés, son front reposant contre la joue de l'Humaine, ses doigts se perdant dans ses cheveux. Les mains de Kaicy glissaient le long de son dos, lui procurant de nombreux frissons des plus agréables. Ses doigts continuaient de s'entortiller dans les cheveux de sa compagne, lui faisant parvenir les effluves de son parfum sucré. A cet instant précis, elle se sentait bien, comme jamais depuis un siècle. Son visage se décomposa alors et quand elle rouvrit les yeux, ce fut pour découvrir le sourire franc de Kaicy. Mais en voyant son expression, elle le perdit aussitôt. Des larmes roulèrent sur les joues de l'Asari qui se défit de l'étreinte. Des tremblements secouèrent son corps, ses lèvres et elle hoqueta. Kaicy la dévisagea sans comprendre, une main tendue vers elle. Et Itany recula plus encore.
- Je suis désolée... (Souffla-t-elle avant de se détourner.)
- Itany...
- Ne me suis pas... (Supplia-t-elle.)
Et elle s'enfuit dans la nuit, laissant l'Humaine seule. Celle-ci garda les yeux rivés sur elle jusqu'à ce qu'elle disparaisse au coin d'une rue. Elle ne fit pas le moindre geste, plongée dans la plus totale des incompréhension, troublée jusqu'aux tréfonds de son être.
Et maintenant ? Ce fut la seule question qui traversa son esprit, l'unique pensée cohérente dans la multitude d'émotions qui se bousculaient en elle. Elle se sentit soudain fatiguée, à bout de force et l'espace d'une seconde, éprouva l'irrépressible envie de n'avoir jamais connu l'Asari. Elle était sur le point de reprendre sa route, de tirer un trait sur la soirée... Quand elle revit son visage. La peine de l'Asari, sa mélancolie... Ce désir de la prendre dans ses bras, de la serrer contre elle sans qu'elle ne parvienne à en déterminer l'origine, à en comprendre le pourquoi. Etait-elle la seule des deux à avoir ressenti cette tension, cette passion ? Ce faisait-elle des illusions ? Itany n'avait fais montre d'aucun intérêt à son égard, en fin de compte, en dehors de cet unique baiser... Et elle l'avait repoussée, rejetant par la même ce moment de pure passion, de partage...
Et pourtant... Elle ne pouvait pas se résoudre à tirer un trait, à abandonner. Elle ne le voulait pas... L'Asari était difficile à cerner, à approcher... Mais elle n'en était que plus attirante à ses yeux... Et elle savait qu'en tournant le dos maintenant, elle le regretterait, que son visage la hanterait, ainsi que le désir simple de la serrer contre elle. Ses yeux fixèrent l'endroit où elle avait disparu. Puis, elle tourna les talons.
L'Asari ouvrit la porte suite aux coups répétés sur le battant, dont le bruit résonnait à travers tout l'appartement. Elle resta indécise un instant en voyant l'Humaine puis se décala. En réalité, son retour ne la surprenait pas tant que ça, mais elle ne s'était pas attendue à ce qu'il soit aussi... Rapide.
- Entrez.
L'Humaine pénétra dans l'appartement et elles se retrouvèrent dans le salon quelques minutes plus tard, un verre posé devant elles, une bouteille trônant au centre de la table. Le silence avait imposé ses droits sur la salle et les femmes échangèrent des regards soutenus.
- Vous devez me prendre pour une folle, à m'imposer ainsi... (S'exprima finalement Kaicy.)
- Que s'est-il passé ? (S'enquit Kaylah d'une voix douce mais ferme.)
La jeune femme secoua doucement la tête, troublée.
- Je sais pas... (Elle se passa une main sur le front.) Nous nous sommes embrassées, puis... Elle est partie, comme horrifiée.
- Vous lui plaisez. (Déclara l'Asari d'une voix confiante.)
- Comment le savez-vous ?
- Je connais ma soeur. Elle est peut-être douée pour se cacher des choses, mais pas à moi. (Elle marqua une pause.) Vous savez, je suis arrivée au bar au moment où vous l'accostiez. Je vous ai observées.
- Observées ?
- Oui.
Kaicy essaya de dissimuler son malaise, sentant le regard inquisiteur des deux Asaris sur sa personne. Soudain, elle pensa qu'elle avait fait une erreur.
- Et... (Elle déglutit.) Qu'avez-vous vu ?
- J'ai vu Itany s'efforcer de vous ignorer.
Kaicy regarda son verre avec gravité.
- Je l'ai abordé parce qu'elle me plaisait... (Avoua-t-elle d'une voix guère plus haute qu'un murmure.)
- Il n'y a pas de mal à ça. (Intervint la mère de Kaylah d'un ton amical.)
L'humaine sourit d'un air gêné.
- Ce... C'est une situation assez bizarre... (Dit-elle après quelques instants, en se dandinant légèrement sur sa chaise.)
- Nous comprenons. (Affirma la mère.) Je pense que je ne serais guère à l'aise non plus à votre place.
Kaicy acquiesça en inspirant profondément pour se donner du courage. Elle planta alors son regard dans celui azur de Kaylah.
- Vous pensez que c'est réciproque, donc.
- Oui.
- Alors, pourquoi a-t-elle fuis ?
L'asari se pinça les lèvres, le visage grave.
- C'est... Une longue histoire. Ce n'est pas contre vous...
- Quelle histoire ?
Kaylah secoua doucement la tête.
- Je n'aurais pas du vous inviter... Elle... Je pensais qu'elle... (Elle soupira.) Mais j'avais tort...
- Je ne comprends pas... Qu'est-ce qu'elle a ?
Kaylah plongea son regard dans celui de l'Humaine.
- Vous êtes libre, Kaicy. Vous n'êtes pas obligée de... Rester...
Celle-ci inclina légèrement la tête sur le côté et un sourire se dessina sur ses lèvres.
- Quelque chose me dit qu'elle en vaut la peine.
Kaylah observa l'Humaine durant de longues secondes, silencieuse, la jaugeant. Finalement, elle tourna son regard vers sa mère. Celle-ci opina.
- Très bien. La première chose à savoir, c'est que notre père était une Humaine.
- Mirlina Shepard. (Ajouta sa mère.)
Kaicy dévisagea les deux Asaris, bouche bée.
- La Shepard ? (S'écria-t-elle, estomaquée.)
Kaylah lui offrit un petit sourire sans joie.
- La Shepard, en effet. (Dit-elle d'un ton las avant de prendre une inspiration.) Au sortir de la guerre, les victimes se comptaient par millions. Par milliards... Nombre de familles étaient en deuil. Nos parents ont alors adopté un enfant, une fille : Notre grande soeur. C'était aussi une Hmaine, dont les cheveux étaient comme les vôtres.
- Et comme ceux de ma femme. (Souffla Liara avec mélancolie.)
- Elle s'appelait Johanna. Notre enfance fut des plus... Normale. (Déclara Kaylah avec un
sourire.) Nous aimions nos parents, notre soeur, et ils nous aimaient en retour. Itany était très proche de notre père, attachée à elle à un point qu'il est difficile à imaginer. Et... Les années passant, l'amour d'Itany pour Johanna est passé de celui d'une soeur... A celui d'une amante.
" Mais nous sommes des Asaris. S'installer aussi jeune était impensable, même pour Itany. Elle a commencé à partir à la découverte de l'univers. De plus en plus régulièrement, de plus en plus longtemps... Comme si le temps ne comptait pas... J'en viens à penser qu'elle a fini par oublier... Oublier qu'elles étaient... Humaines...
Kaylah se tut un instant, sa voix se brisant sur le dernier mot. Elle but une gorgée de vin et se racla la gorge. Kaicy attendit patiemment qu'elle reprenne, coulant des regards réguliers vers Liara qui semblait plongée dans une tristesse au moins tout aussi grande.
- Johanna suivit Itany durant des décennies. Un amour ponctué de nombreuses pauses. Je ne crois pas qu'Itany pensait à mal... Elle était jeune, elle voulait simplement s'amuser. Johanna rentrait bien plus souvent qu'Itany, et attendait qu'elle revienne la chercher. Elle était folle d'elle. Mais un jour... Elle décida que sa vie n'était pas là haut, mais sur Terre. Itany continua de voyager pour sa part. Une année passa... Puis cinq, dix, quinze... Sans qu'elle ne revienne.
" La santé de notre père finit par décliner. Rapidement. Johanna et moi sommes revenues vivre dans notre maison, passer du temps avec elle. Profiter. J'ai contacté moi même Itany. Mais devant son absence, j'ai commencé à croire qu'elle s'en fichait... Et quand elle est enfin revenue... Notre père nous avait quitté. Itany est tombée en larmes, comme vous pouvez vous en douter... Et... Elle ne s'en est jamais vraiment remise. Elle avait pris conscience de la fragilité d'une vie Humaine, de son temps limité. Elle et Johanna se sont alors retrouvées, et Itany eut dans l'idée de fonder une famille. Mais... Malheureusement...
Sa voix mourut dans sa gorge et elle baissa la tête, une larme roulant sur sa joue.
- Malheureusement, (Reprit Liara) le coeur de Johanna lâcha à son tour, seulement quelques mois plus tard. Laissant Itany seule. Inconsolable. (Elle marqua une pause et déglutit avant de reprendre d'une voix brisée.) Avec les semaines... Elle s'est mise à m'en vouloir. A m'en vouloir d'avoir aimé une Humaine. De lui avoir donné un père et une soeur avec une espérance de vie aussi courte, comparée à la nôtre.
- C'est une histoire bien triste... (Souffla Kaicy avec émotion.) Je comprends mieux pourquoi elle était si froide avec moi, lors de notre rencontre...
- La vérité, c'est qu'elle n'a jamais réussi à faire son deuil... Qu'au fond d'elle... Elle n'a jamais réussi à se pardonner.
- Ma soeur s'est mise à penser, non pas aux moments partagés, aux joies qu'elle eut en leur compagnie, mais aux moments qu'elle n'aurait jamais. Par manque de temps ou par ses absences. Elle s'en est voulu... Et ça s'est transformé en ressentiment.
Le silence retomba, dans les reniflements des deux Asaris. Kaicy joignit les mains sur la table et les dévisagea tour à tour avec émotion. Elle avait du mal à imaginer la solitude que pouvait éprouver la jeune Asari... La peur, le doute... La douleur consécutive à la perte d'un proche, d'un parent... Pour les Humains, cela se comptait la plupart du temps en mois, voir en quelques années... Mais pour elle, cela se compterait en siècles...
- Je... Je vais aller lui parler, essayer de...
Liara secoua doucement la tête.
- Pas ce soir.
- Pourquoi pas ?
- Faites-moi confiance. Ce soir, Itany a besoin d'être seule. Nous irons la voir demain, si vous voulez.
Kaicy hésita avant d'acquiescer.
- Très bien... Je vous reverrais demain en ce cas. Bonne soirée et... Merci.
Liara lui sourit.
- Merci à vous de vous soucier d'elle.
Elle opina pour toute réponse.
La chambre était plongée dans une semi obscurité, faiblement éclairée par les néons de la rue, dont l'éclat filtrait à travers les rideaux partiellement transparent. Le paquet reposait sur le lit, diverses couleurs dansant à sa surface au rythme des pulsations extérieures. L'Asari avait les yeux rivés dessus, le regard mélancolique, la mine sombre et les traits tirés. Cela faisait une heure qu'elle était rentrée, une heure que le paquet reposait là, une heure qu'elle le regardait sans oser le toucher, éloignée d'un mètre. Elle tendit la main pour la cinquième fois, se figea à mi chemin, la bouche entrouverte. Ses doigts furent secoués d'un tremblement et elle les reposa sur sa jambe. Elle savait ce que contenait le paquet. Et c'était bien cela qui la paralysait. Un siècle à essayer d'avancer. A essayer de ne plus penser à la douleur, aux promesses d'une enfance heureuse, d'un passé meilleur. Une larme roula sur sa joue et elle l'essuya du pouce en reniflant.
- Papa... Quelle déception je dois être, pour toi...
Elle était perdue si elle l'ouvrait, perdue si elle ne le faisait pas. Seule dans cette chambre, Itany ne s'était jamais sentie aussi démunie qu'en cet instant. Aller de l'avant... Elle laissa échapper une exclamation sans joie. Mais de qui se moquait-elle ? Elle prit une inspiration et attrapa le paquet. Ses doigts se crispèrent sur le papier mais elle le défit néanmoins pour découvrir une boîte. Elle l'ouvrit d'un geste lent, presque cérémonieux pour dévoiler son contenu. C'est en posant les yeux sur le totem prothéen qu'elle se rendit compte qu'elle retenait son souffle et s'autorisa à prendre une inspiration. Les doigts tremblant, elle sortit l'objet, avec une infinie douceur, et le déposa sur ses genoux après s'être débarrassée de la boîte, négligemment poussée par terre. Le totem luisait de son éclat vert habituel, doux, réconfortant... Et teinté d'une mélancolie indescriptible. Il était chaud au contact et pulsait entre ses doigts. Alors qu'elle en caressait la surface, l'image de son père s'imposa à son esprit et elle ne put retenir une nouvelle larme. L'Asari prit une profonde inspiration et ferma les yeux. Sa main se posa sur le totem... Et ses yeux se rouvrirent aussitôt, d'un noir de jais.
" Itany se trouvait dans une pièce aux larges baies vitrées. L'endroit lui était familier et elle le reconnut sans peine. Il s'agissait du mémorial de Huerta. La porte s'ouvrit et un médecin Turien s'avança dans la salle, accordant un regard rapide à ses notes.
- Ambassadrice Shepard ? (Demanda-t-il.)
Itany se retourna dans la direction visée par le docteur pour voir son père, assoupie sur une chaise.
- Ambassadrice Shepard ? (Reprit-il d'une voix plus forte.)
Mirlina sursauta et ouvrit les yeux, analysant rapidement son environnement comme son entraînement militaire prenait le pas sur elle. Elle secoua la tête pour se réveiller, étouffant un bâillement, et braqua son regard sur le Turien.
- C'est déjà...
Il fit non de la tête avec un sourire.
- Non, rassurez-vous. Mais si vous voulez être là à temps, il faut vous dépêcher.
- Je vous suis ! Viens ma chérie. (Fit-elle en prenant la main d'une enfant humaine qui jouait à côté d'elle.)
Le Turien hocha la tête et fit volte face, quittant la pièce, l'ambassadrice sur ses talons. Itany demeura figée, son père s'éloignant sous ses yeux. Elle tendit la main vers elle, tremblante, s'accrochant désespérément à sa chevelure rouge qui disparaissait peu à peu. Les murs autour d'elle s'assombrirent les uns après les autres et la réalité sembla se tordre. Itany se mit à courir à la suite de son père mais jamais elle n'atteignit la porte. Il y eut un flash et la pièce changea. Sa mère était face à elle, allongée sur une table d'accouchement, son père lui tenant la main. Ils se regardaient avec amour tandis qu'on leur apportait des draps, à première vue roulés en boule. Mais Itany savait qu'il n'en était rien, et le cri d'un nourrisson ne fit que le lui confirmer.
- Kaylah... (Murmura Liara en tenant la première dans ses bras.)
- Et... Itany. (Enchaîna Mirlina, portant la seconde avec affection.)
La porte s'ouvrit, dévoilant une petite fille qui ne devait même pas avoir cinq ans, et qui attendait sur le seuil. Elle avait des cheveux d'un rouge profond et affichait une mine sombre, apeurée. Son regard était rivé sur ses parents adoptifs qui ne semblaient pas l'avoir remarquée. Un petit gémissement s'échappa de sa bouche et Mirlina tourna la tête vers elle.
- Viens, Johanna. Viens ici... (Murmura-t-elle avec un sourire.)
Elle se mit à genoux cependant que l'enfant s'approchait en hoquetant et lui montra le bébé qu'elle tenait dans les bras.
- Voici l'une de tes petites soeurs... (Fit-elle, le regard empli de joie, d'amour.) Dis bonjour.
Johanna s'appuya sur les genoux de sa mère et regarda le bébé qu'elle portait, indécise, entre peur et excitation.
- Bonjour... (Murmura-t-elle avec hésitation.)
- Elle s'appelle Itany.
Johanna se mit sur la pointe des pieds pour observer le bébé, oubliant peu à peu sa peur. Un sourire se dessina sur son visage.
- Elle est belle...
- Oui... (Sourit Mirlina.) Tu veux la prendre dans tes bras ?
La petite fille n'hésita qu'un court instant avant d'opiner vivement, tendant les bras.
- Fais attention à sa tête, mon coeur.
Shepard plaça l'enfant dans les bras de sa fille... Et le visage de celle-ci s'illumina.
- Bonjour, Itany.
Elle la souleva ensuite avec délicatesse, pour l'asseoir sur le lit, tout près de Liara et Kaylah.
- Elles sont belles...
- Oui.
- Vous allez moins m'aimer maintenant ?
- Mais non, chérie. Ce sont tes soeurs. Tu es notre fille, autant qu'elles. (Fit Liara avec douceur.)
Une larme roula sur la joue d'Itany, puis une autre, tandis qu'elle observait la scène.
- Johanna... Papa... (Souffla-t-elle.)
Elle n'avait même pas une seule photo d'elles, rien pour se les rappeler. Elle avait chassé la moindre chose qui aurait pu les ramener à son souvenir, dans l'espoir futile de ne plus souffrir. Et les larmes qu'elle avait contenu pendant si longtemps coulèrent finalement, la libérant d'un poids qu'elle refusait de voir, qu'elle refusait même de sentir. La scène se figea pour disparaître et Itany resta seule dans les ténèbres, sanglotant sur les moments qu'elle n'avait pu vivre en leur compagnie, sur le temps qui lui avait volé deux des personnes les plus chères à son coeur. Après un moment qui lui sembla avoir duré une éternité, elle leva la tête pour voir des sphères qui volaient autour d'elle, seules source de lumière dans cette obscurité infinie et insondable. Des scènes s'y jouaient, des souvenirs d'un temps passé et révolu. Elle tendit la main, hésitante, puis toucha la plus proche. L'orbe grossit alors jusqu'à l'engloutir, devenant sa réalité. L'Asari traversa les jours, puis les semaines, les mois, les années et enfin les décennies au travers des souvenirs de son père. Elle se vit grandir, accompagnées de ses soeurs, observées par leurs parents avec amour et fierté. Elle passa de bébé à jeune femme, d'insouciante à aventurière, sans jamais perdre sa douceur. De nouvelles larmes roulèrent sur ses joues, tant la beauté de ses souvenirs, leur vérité la touchait. Ils n'étaient que bonheurs partagés, amours assumés, joies déclarées. A un moment, son père jouait avec elle, l'instant d'après, elle lui donnait sa première leçon de conduite. Et ils continuaient à se succéder dans un déchaînement toujours plus rapide, un tournoiement de plus en plus puissant et profond, tant qu'elle en eut la tête qui commença à tourner. Puis elle vit Johanna, dans la fleur de l'âge. L'humaine était d'une beauté à couper le souffle, d'une tendresse à faire fléchir le plus brutal des Krogans. Son double plus jeune se tenait à ses cotés, lors de leur premier baiser, sous les yeux de leurs parents. Il avait commencé comme anodin, une soirée un peu arrosée, pour rapidement se muer en quelque chose de plus fort, de plus profond, délaissant leur enfance pour les transporter au coeur d'une histoire naissante, d'un maelström d'odeurs, de caresses, d'émotions et de sensations. Itany voulait croire que ce n'était pas par égoïsme qu'elle ne s'était jamais unie avec Johanna, mais elle savait au fond d'elle même que c'était le cas. Elle rêvait de voyage et d'aventure, de liberté, et malgré l'affection qu'elle avait éprouvé pour la jeune femme, son amour pour elle, elle n'avait jamais voulu renoncer aux autres plaisirs. Elles faisaient l'amour, profitant de l'extase de leur corps respectifs, des caresses qu'elles pouvaient se fournir. Sans jamais être un vrai couple au bout du compte. Ses parents n'avaient jamais tentés de les séparer ou de les faire renoncer. Mais Itany se doutait que cela les avait au minimum surpris. Les années passèrent, toujours plus vite, les souvenirs se raréfiant pour la jeune femme tandis que ceux en compagnie de Kaylah ou de Johanna revenaient plus régulièrement. Et finalement, il n'y eut plus que les ténèbres. Une dernière sphère voletait à quelques pas, brillant d'un éclat violacé contrairement aux autres, bleutés. Itany s'en approcha et la toucha. Et une image de son père apparut devant elle. Il ne s'agissait pas d'un souvenir à proprement parlé, mais d'une image enregistrée. L'apparition montrait une Shepard âgée, au visage fatigué, aux yeux ayant perdu de leur éclat et aux cheveux gris.
- Mes chères enfants. Je suis désolée de vous abandonner. Je veux que vous sachiez que je n'ai jamais cessé de vous aimer. Et qu'avec votre mère, vous êtes ce que j'ai de plus précieux dans l'univers. Ce que j'ai accompli de plus important. J'ai conscience de la douleur qui nous étreint à la perte d'un parent. Toi, Johanna, je sais que tu surmonteras cette épreuve, de part ta condition d'être Humain. Mais pour vous, Kaylah et Itany, les choses pourraient s'avérer plus compliquées. Votre mère et moi nous sommes rencontrés alors qu'elle était encore très jeune. Presque une enfant parmi les siennes. J'ai chéri votre mère, son amour, le reste de ma vie. Mais nous avions l'une comme l'autre conscience que rien ne serait éternel. Que viendrait le jour où vous seriez seules. Où je partirais. Vous n'êtes pas les premières à vivre pareille expérience, mais cela ne veut pas dire que cela doit être plus simple. Je donnerais tout, pour n'avoir ne serait-ce qu'un instant de plus à vos cotés. Pour pouvoir voir une seconde de plus vos merveilleux visages, ou vous serrer dans mes bras. (Elle marqua une pause, ses yeux s'embuant de larmes.) Malheureusement, je suis tributaire de la vie et de ses impératifs. C'est injuste de vous abandonner aussi vite, alors que vous commencez à peine votre vie. Mais je sais que vous ne vous contenterez pas de la vivre à moitié. Que vous saurez profiter de chaque instant. N'oubliez jamais que deux choses suffisent pour aller de l'avant, pour atteindre le bonheur : L'amour et l'espoir. Sans votre mère, je n'aurais jamais pu accomplir ce miracle. Sans elle, les Moissonneurs auraient réussi leurs funestes desseins. Sans elle, je n'aurais jamais trouvé le bonheur. Sans elle, je n'aurais jamais pu vous serrer dans mes bras. Je vous aime de tout mon coeur... Et je pars, confiante. Soyez fortes, mes filles. Toutes les trois.
L'image se figea pour disparaître sous le hoquet d'un sanglot étouffé d'Itany. Elle inspira par à coup, le chagrin reprenant le pas sur elle, traçant des sillons sur ses joues. Les ténèbres s'étendaient désormais autour d'elle, les sphères s'étant toutes éteintes. Mais elle ne s'en soucia pas et sanglota. Un frisson la saisit quand un courant d'air glacé la frappa. Elle cligna des yeux, de retour dans la chambre, la fenêtre entrouverte laissant passer un vent artificiel.
- Je t'ai déçu, papa... Je t'ai déçu... (Souffla-t-elle.)
Elle s'effondra sur le lit et continua de pleurer, avant de finalement sombrer dans un sommeil sans rêve, épuisée.
Liara avait quitté l'appartement de bonne heure, désireuse de rejoindre Itany avant l'arrivée de Kaicy. L'Humaine lui avait forte impression et elle s'en voulait de l'avoir ainsi dupée. Mais sa présence risquait de compliquer les choses. Liara savait ce que pouvait ressentir sa fille. Lors de la destruction du premier Normandy, elle avait été anéantie. Les jours puis les semaines passants, elle avait constaté que son chagrin ne diminuait pas et allait même en empirant. Elle ne mangeait plus, restait prostrée des heures durant, le corps secoués de sanglots incontrôlables. A ce moment là, elle s'était jurée que personne d'autre ne compterait autant que sa bien aimée Shepard. Et puis, aidée de Cerberus, elle avait retrouvé son corps... Le choc avait été pire encore... Elle ignorait même comment elle avait pu le supporter... Peut-être était-ce grâce à la simple promesse qui en découlait... La naïveté de l'espoir... Mais cet espoir n'avait pas été futile, et un miracle lui avait ramené la femme qu'elle aimait. Pour tout ce que l'organisation avait fait de mal, elle ne pouvait que lui être reconnaissante de lui avoir rendu Shepard... Sans elle... Mais Itany n'avait pas eu cette chance. Sa sensibilité était un don à double tranchant, qui pouvait s'avérer devenir un immense fardeau. Liara l'avait vu dégringoler au fil des décennies le long de la pente abrupte de la déprime et de la mélancolie, n'autorisant plus aucun être à approcher de son coeur. Peu à peu, elle en était même venue à s'éloigner d'elle et de sa soeur, dans le but de se protéger. Et cela faisait souffrir Liara. Elle se sentait coupable, indigne. Mirlina avait tant compté pour Itany que sa mort avait laissé un grand vide. Parfois, elle allait sur sa tombe pour lui faire part de ses peurs et de ses doutes. Dans ces moments là, elle voulait plus que tout autre chose entendre la voix de son amour la rassurer. Un espoir futile, infantile même... Mais qu'elle voulait conserver. Elle arriva à l'hôtel de sa fille et se rendit à l'étage que le gérant lui indiqua. Arrivée devant la porte, elle sonna et attendit. Une fois. Deux fois. Trois fois. Au bout de la sixième fois, elle commença à s'inquiéter et jeta un rapide coup d'oeil pour vérifier qu'elle était bien seule. Puis elle activa son omni-tech et le pointa vers la porte.
- Activation du module de crochetage.
- Confirmé. (Indiqua une voix synthétique.)
Un cercle composé de quatre parties apparut au centre de la porte et commença à tourner vers la gauche puis la droite, éjectant des données électriques sur le côté qui se dispersèrent dans le néant. Les morceaux s'activèrent les uns après les autres au fil des secondes et enfin, la porte coulissa. Liara pénétra dans la chambre, sur ses gardes, son corps recouvert d'une légère aura bleutée, créant des veines dansantes. Là, étendue sur le lit, se trouvait sa fille, profondément endormie. Elle portait toujours sa tenue de soirée et son visage lui indiqua qu'elle avait pleuré. Près d'elle reposait le totem prothéen. Liara dissipa l'énergie biotique et laissa échapper un soupir de soulagement. Elle regarda sa fille dormir quelques instants avant de quitter la chambre.
Elle revint quelques minutes plus tard avec du café, se posa sur le lit et commença de caresser le front de la jeune femme. Celle-ci remua dans son sommeil, laissant échapper un son indéfinissable. Liara sourit et s'approcha pour déposer un baiser sur la tempe d'Itany. Elle attrapa ensuite le totem et le plaça sur la table de chevet.
Itany se réveilla quelques minutes plus tard. D'abord, elle ouvrit les yeux en baillant et s'étira paresseusement. Puis, elle cligna des yeux pour s'habituer au faible éclat lumineux qui perçait à travers les rideaux. Et enfin, elle se redressa pour se figer à mi chemin en voyant sa mère.
- Maman ? (Lâcha-t-elle d'une petite voix surprise.) Qu'est-ce que tu fais là ?
- Je t'ai apporté du café. (Répondit celle-ci en lui tendant une tasse.)
Itany resta coi, dévisageant sa mère, incertaine. Puis elle prit le gobelet et s'assit en tailleur avant d'en boire une bonne gorgée. Il était quelque peu tiède, mais demeurait agréable et l'aida à se réveiller. Ses yeux parcoururent la pièce, évitant soigneusement ceux de sa mère jusqu'à se poser sur le totem, sur sa droite. Elle resta à l'observer un long moment, les souvenirs contenues à l'intérieur se rappelant à elle avec la force d'un coup de poing, en particulier le dernier message de son père. Un long silence prit place que Liara brisa finalement.
- Comment s'est terminée la soirée ?
- Je suis rentrée ici et... J'ai déballé le cadeau. (Fit-elle sans s'épancher.)
- Je pensais que tu aurais raccompagné Kaicy chez elle.
L'Asari se pinça les lèvres.
- Nous sommes rentrée chacune de notre coté.
Liara acquiesça.
- Je pense qu'elle tient à toi.
- On ne se connaît que depuis deux jours...
- Est-ce si important ? (S'enquit-elle en se penchant vers sa fille.) Ton père m'a séduite dès le premier regard. Ses yeux violets, plongés au fond des miens... Ce regard si intense... Il ne m'a pas fallu longtemps pour comprendre d'où venait mon trouble... Ce que je ressentais vraiment pour elle.
Itany demeura silencieuse de longues secondes, la tête baissée.
- Ce... C'est pas la même chose, Maman. Vous deux, vous étiez...
- Quoi ? (Répondit sa mère avec un sourire amusé.) Destinée l'une à l'autre ?
- Maman...
- Tu l'as consulté ? (Demanda Liara en changeant de sujet.)
Itany coula de nouveau son regard vers le totem que sa mère lui indiquait, et hésita longuement avant d'opiner.
- Oui...
- Je ne te demanderais pas ce qu'il contient. C'est pour vous qu'elle l'a laissé. Mais si tu veux en parler...
La jeune femme inclina légèrement la tête sur le côté.
- Ce serait te révéler ce qu'il contient... (Lâcha-t-elle d'un ton malicieux et amusé.)
- C'est vrai. (Répondit Liara sur le même ton.)
Le silence retomba. Liara attendit patiemment, finissant sa tasse pour la poser à côté d'elle. Itany se massa la joue puis la nuque, mal à l'aise. Elle leva finalement la tête, croisant le regard de sa mère. Toute trace de joie avait déserté ses traits.
- Tu m'en veux, n'est-ce pas ? (Souffla-t-elle d'une voix brisée.)
- T'en vouloir ? Pourquoi ?
- Je... (Elle déglutit.) Je t'ai dis des choses horribles... Quand... (Elle laissa échapper un soupir et ne termina pas sa phrase.)
Liara secoua doucement la tête, ne quittant pas sa fille des yeux.
- Ma chérie... Non. Je ne t'en ai jamais voulu. J'avais beaucoup... De peine. Pour toi. Tu avais tellement de colère en toi, de ressentiment... De tristesse...
Les yeux d'Itany s'embuèrent de larmes.
- Elles me manquent tellement... (Fit-elle d'une voix brisée.)
Liara l'attira contre elle. Itany résista l'espace d'une seconde avant de plonger dans les bras de sa mère, laissant de nouvelles larmes rouler.
- A moi aussi, mon coeur. A moi aussi...
Elle resta blottie dans les bras de sa mère de longues minutes durant, le corps secoués de sanglots. Liara la serra contre son coeur, caressant ses protubérances avec tendresse.
- Ce n'est pas juste... Les Humains ont une vie si courte...
- Quand j'ai rencontré ton père, j'ai pensé la même chose... Pour moi, une vie aussi courte était une malédiction. Mais... Les Humains vivent avec beaucoup plus d'ardeur, de force... Ils n'hésitent pas à vivre pleinement, parce qu'ils savent qu'ils n'ont qu'un temps déterminé. Notre peuple a tendance à prendre plus de temps... A s'autoriser à le faire. Les années que j'ai vécu avec ton père seront toujours trop courtes. Mais elles étaient d'une intensité comme je n'en ai jamais connu. Ton père avait un amour, une ardeur, qui semblaient inépuisables.
- A ce point là ?
- Oui. Et même maintenant, avec le recul, je n'hésiterais pas un seul instant à me lier à elle.
- Malgré la douleur ?
- Oui. Car ce qui compte le plus, c'est le bonheur que nous avons eu. Je n'échangerais cela pour rien au monde. Elle me manque, bien sûr. Atrocement... Mais je n'ai aucun regret. (Lui dit-elle avec un sourire sincère.)
Itany dévisagea sa mère et médita ses paroles. Elle ouvrit la bouche, les lèvres tremblantes.
- J... J'ai peur... (Dit-elle finalement, la voix brisée par l'émotion.)
Liara essuya une larme sur la joue de sa fille, ses yeux plongés dans les siens pour lui communiquer toute son affection, pour essayer de briser la tristesse qui noyait son regard et son esprit.
- C'est normal, chérie. C'est normal. (Elle prit une inspiration pour refouler la mélancolie qui s'emparait d'elle.) Tu sais, un dicton Humain dit : " Mieux vaut souffrir d'avoir aimé, que de souffrir de n'avoir jamais aimé." Tu as aimé, et tu as été aimée en retour. Mais cette perte ne doit pas te paralyser, t'empêcher de vivre.
- Mais je les ai abandonnées... J'étais pas là pour elle... (Souffla-t-elle, en larmes.) Et maintenant, je suis seule...
- Parce que tu as des regrets... Parce que tu t'interdis de passer à autre chose.
Itany secoua la tête, pleurant toujours.
- Tu es seule toi aussi...
- Mais pas pour les mêmes raisons. Je n'ai aucun regret. J'ai vécu cet amour sans retenue. Mais pas toi... Tu ne veux plus risquer de souffrir en ayant offert ton amour... Mais ça fait maintenant un siècle que tu souffres, Itany, accablée par le remord...
La jeune femme inspira par à coup, le regard plongé dans celui de sa mère.
- Je crois... Qu'il est temps que je me reprenne... (Dit-elle finalement dans un murmure.)
Liara sourit en acquiesçant. Le soulagement pouvait se lire dans son regard, comme elle caressa le visage de sa fille.
- Je crois aussi.
- Il faut que je parle à Kaicy...
- Elle sera sûrement à la maison.
Itany regarda sa mère et ne dit rien. Elle ne désirait pas savoir pourquoi ni comment elle le savait. Seulement voir l'Humaine, lui parler.