Vous l'avez attendu, vous m'en avez voulu peut-être même ? Et bien voilà le chapitre 8 !
Spoiler
Chapitre 8 : Complot.
Sil fixait la carte en trois dimensions avec intérêt depuis de longues minutes. Parfois, elle se redressait, penchait la tête et opinait avant de se replonger dans ses observations. Elle se trouvait dans le centre de commandement du vaisseau principal de la flotte concilienne aux cotés de Vlavya. La Haute conseillère plissa les yeux et coula son regard vers sa compagne. Celle-ci sentit ses poils se hérisser d'un soupçon de frayeur mais également de désir face à ce regard autoritaire et incroyablement envoûtant.
- Arrivée au relais dans une heure environ. (Annonça une voix par les haut-parleurs.)
Sil continua de dévisager sa coéquipière de son regard inquisiteur avant de reporter son attention sur la carte. Elle la fit tourner pour la regarder sous toutes les coupes. Cet espace de la galaxie lui était méconnu et elle détestait être mal préparée. L'Alran s'intéressa ensuite à la planète d'où le signal était émit et en observa les moindres détails, les notant dans un coin de sa tête. Finalement, elle se redressa, songeuse.
- Que pensez-vous trouver là-bas ? (S'enquit-elle de sa voix douce.)
- Rien en particulier. (Répondit Vlavya avec simplicité.)
- Je n'ose croire que vous faites cela sans arrière pensée.
- Avez-vous donc une si piètre opinion de moi ?
- Non. Mais de votre profession, si. D'ailleurs, je peine à comprendre pourquoi vous êtes venue me trouver au lieu d'aller vendre cette information.
- Croyez-le ou non, j'ai une éthique. J'ai fait partie de l'armée Alran lors du soulèvement de l'éveil. Je ne suis pas trafiquante mais courtière. Certaines informations méritent d'être vendues. D'autres doivent être remises à ceux qui en auront une réelle utilité.
- Tous ne pensent pas comme vous.
- C'est vrai. (Admit-elle.)
- Mais cela ne me dit pas pourquoi vous avez tenu à venir.
Vlavya demeura silencieuse un instant.
- Quelque chose me dit que nous sommes sur le point de faire une découverte d'une importance capitale. Qui pourrait changer beaucoup de choses.
- Une information que vous auriez omis de mentionner ?
- Appelez ça de l'intuition.
Sil sourit avec douceur.
- Je pensais simplement que vous ne pouviez plus vous passer de moi. (Déclara-t-elle d'une voix aguicheuse avant de quitter la pièce.)
Vlavya la regarda partir, légèrement troublée. Elle resta dans le centre de commandement un long moment, seule, perdue dans ses pensées. Sil... La troublait. Elle n'arrivait pas à l'ôter de ses pensées et se sentait coupable vis à vis de sa compagne de vie.
- Oh, Irich, je crois que tu adorerais la détester... (Murmura-t-elle.) Ou plutôt que tu détesterais l'adorer.
Elle secoua doucement la tête en souriant. Ses yeux coulèrent finalement vers la carte et une lumière rouge clignotante retint son attention. Intriguée, l'Alran s'approcha et laissa ses doigts courir sur le clavier virtuel.
- Réception d'un message. (Indiqua l'IV embarquée.)
Vlavya marqua une temps d'hésitation avant d'accepter et de lire le message. La carte s'évanouit et un halo bleuté s'échappa du terminal. L'hologramme d'une femme d'une race inconnue à la courtière apparut au centre de la pièce. Elle possédait cinq doigts, deux yeux et sa peau légèrement écailleuse était d'un bleu profond. Son visage avait un air presque juvénile et innocent qui le rendait attirant. Elle n'avait pas de cheveux mais des tentacules partaient du haut de son crâne et étaient tirés en arrière. Bien qu'étranges, ils étaient loin de l'enlaidir et ne faisaient que rajouter à son charme. Vlavya dévisagea la créature avec intérêt et fut rapidement subjuguée par sa beauté simple.
- Si vous m'entendez... Tout n'est pas perdu. (Commença la femme.)
Vlavya fut surprise de comprendre l'inconnue malgré un léger accent qui était loin d'être désagréable. L'image tremblait par moment et de légères inférences s'invitaient parfois sans pour autant rendre le tout incompréhensible.
- Il est encore temps de ne pas refaire nos erreurs. (Poursuivit la femme. Elle marqua une pause avant de reprendre d'un ton dramatique.) Nous avons échoués... Contre les Moissonneurs.
Vlavya frémit en entendant ce nom, sans savoir pourquoi.
- Nous avons tout essayé. Construire le Creuset n'a pas marché; réunir la galaxie toute entière n'a pas suffi. (Une image d'un appareil de conception inconnue apparu au centre de la pièce, remplaçant un instant la femme.) J'espère seulement que les informations contenues dans cette capsule vous aideront avant qu'il soit trop tard. (Elle se redressa et reprit d'un ton solennel.) Je suis le docteur Liara T'Soni. Voici le récit de notre guerre contre les Moissonneurs.
L'hologramme s'évanouit et Vlavya demeura interdite un long moment.
- Moissonneurs... (Murmura-t-elle, peu rassurée.)
De quoi s'agissait-il ? Et pourquoi l'hologramme avait-il disparu ?
- Sil ! (Hurla-t-elle en quittant la pièce.)
Itany déposa le datapad avec un soupir d'exaspération. L'appareil avait encore des ratés. Son regard coula sur les deux autres objets situés dans le petit tiroir : Un cadre photo et un paquet. Elle ignorait ce que contenait ce dernier. Mais quelque chose était inscrit sur le papier.
"Pour mes filles adorées."
Itany reconnaissait là l'écriture de son père. Elle caressa le paquet du bout des doigts mais n'osa le prendre. Ses mains glissèrent vers le cadre photo et elles tremblèrent un instant en s'en saisissant. Elle laissa ses doigts courir sur le verre et activa l'objet, souriant avec mélancolie. Une photo de ses parents apparut, du temps de leur jeunesse. Mirlina se trouvait derrière leur mère et l'enlaçait. Elles souriaient toutes les deux, manifestement heureuses. Kayla se pressa derrière sa soeur et regarda par dessus son épaule avec nostalgie. Itany appuya sur un petit bouton et activa le diaporama. Les photos défilèrent et dévoilèrent le couple à divers moments de leur vie. Elles souriaient, elles s'embrassaient, elles s'enlaçaient et se lançaient des regards amoureux et complice. Au fil des images, le ventre de Liara s'arrondit. Désormais, Mirlina était à genou devant l'Asari, sa tête reposant sur son ventre. Liara regardait son amante avec tendresse, une main passée dans ses cheveux. Le diaporama s'arrêta et Itany navigua dans les catégories pour lancer la sélection suivante. Celle-ci était consacrée à Kayla. La première photo montrait leur mère, un sourire épanoui sur les lèvres, un bébé dans les bras. Sur la suivante, c'était leur père qui tenait l'enfant, heureux mais visiblement mal assuré.
- Te voici. (Murmura Itany à l'adresse de sa soeur.)
Celle-ci déposa un baiser sur sa joue avec douceur. Des coups résonnèrent à l'extérieur, comme des grattements en partie étouffés. Quelques voix retentirent, trop faible pour déterminer ce qu'elles disaient. Puis, ce fut le silence. Les deux soeurs poussèrent un soupir et reportèrent de nouveau leur attention sur le cadre. C'était déjà la cinquième fois que de tels bruits résonnaient. IDA leur avait dit que des gens étaient en route. Kayla et Itany ignoraient tout d'eux. Elles espéraient être et demeurer en sécurité. Mais il n'était rien qu'elles puissent faire.
Le diaporama reprit, les années passèrent et Kayla grandit. Ses parents l'encadraient, l'enlaçaient et la contemplaient avec amour. Un sentiment de bonheur et de bien être s'échappait de ces images. La catégorie changea. Kayla avait maintenant cinq ans et le ventre de sa mère s'arrondissait de nouveau au fur et à mesure des photos. Et après quelque temps, un autre enfant rejoignit la famille. Ses parents l'accueillirent avec la même joie, la même tendresse. Les deux soeurs contemplèrent une autre photo. Leur père enlaçait le bébé avec douceur, un large sourire aux lèvres, le regard pétillant de joie.
- Et là, c'est toi. (Déclara Kayla avec un sourire nostalgique.)
D'autres photos défilèrent, reflétant d'autres moments d'amours. De nombreux clichés montraient Kayla s'occupant de sa jeune soeur.
- Je ne me souvenais pas que tu t'étais tant occupée de moi. (Déclara Itany.)
Kayla ne répondit rien.
Le sourire de leur père disparut petit à petit et une ombre noya son regard. Le temps entre chaque photo ne cessa de croître. La joie quitta peu à peu les traits de la famille pour être remplacée par le chagrin. Kayla et Itany sentirent leur gorge se nouer aux souvenirs de ces instants si sombre. Mais la tristesse finit par s'effacer laissant sa place à une nouvelle joie. De nouveaux clichés d'une famille heureuse défilèrent sous les yeux des deux soeurs. Elles notèrent la complicité retrouvée de leurs parents, leurs amours l'une pour l'autre mais également pour elles, leurs filles. Et elles sourirent de ce bonheur retrouvé, dont elles avaient le souvenir. Des souvenirs qu'elles chérissaient avec beaucoup de tendresse.
Les années passèrent au fil des clichés et le temps laissa son emprunte sur leur père. Des rides marquèrent son visage et des cheveux gris remplacèrent peu à peu les roux. Mirlina se fit de plus en plus rare sur les photos jusqu'à tout simplement disparaître. La tristesse marqua par la suite le visage de Liara et la mélancolie s'installa dans son regard pour ne plus jamais le quitter. Leur mère ne sourit sur aucune photo après cette perte tragique. Les années creusèrent le visage de l'Asari d'une manière peu naturelle, voir anormale. Et finalement, il n'y eut plus de photos. Les deux soeurs regardèrent le cadre avec nostalgie un long moment. Itany secoua tristement la tête et tapota les touches pour faire défiler les clichés en sens inverse jusqu'à trouver une photo où elles étaient toutes les quatre réunis, jeunes, et souriantes. Elle caressa alors le verre avec douceur, ses doigts s'attardant sur les lèvres de sa mère et sur les joues de son père. Et elle sourit, imitée par Kayla.
- C'est cette image que je veux conserver là dedans. (Murmura-t-elle en tapotant sa tempe.)
Kayla serra sa sœur un peu plus fort.
- Moi aussi. (Répondit-elle.)
Itany inspira profondément et ferma les yeux, profitant de la chaleur du corps de sa soeur, de sa présence si rassurante.
De nouveaux coups résonnèrent derrière elles, juste de l'autre coté de la porte. Ils étaient presque là. Itany ressentit une pointe d'anxiété mais Kayla la pressa un peu plus contre elle pour la rassurer. La jeune Asari lui sourit, reconnaissante, puis attrapa un sac où elle rangea le cadre ainsi que le reste des souvenirs légués par leurs parents. Puis, accompagnée de sa soeur, elle s'installa sur un banc à l'écart et patienta, tendue.
De nouveaux bruits résonnèrent, plus forts, plus agressifs. Comme quelque chose ricochant contre les portes...
Cherl Meza était un homme dans la fleur de l'âge qui avait participé à de nombreuses missions sur de nombreux mondes. Il avait peu à peu gravit les échelons pour devenir chef de sa propre escouade. Désormais, il était à la tête des Alpha, le groupe de mercenaires le plus dangereux de l'espace concilien. On lui confiait régulièrement des missions, que ce soit de la piraterie, du terrorisme, des kidnappings. Et parfois, il était chargé de sauver des personnes particulières. Des gouvernements de planètes isolées étaient tombés sous ses assauts et d'autres s'étaient érigés grâce à son action. Il se fichait des conséquences; la plupart du temps. Peu de choses pouvaient l'émouvoir. La mort accompagnait ses pas et il n'était pas rare qu'un nombre important de ses gars se fassent tuer lors des opérations. Habituellement, il s'en fichait. Ce n'était pas les portes flingues qui manquaient. Mais cette fois-ci... Il poussa un grognement en évitant une rafale énergétique. La roche à coté de lui explosa et envoya l'un de ses hommes au sol. Celui-ci demeura inerte. C'était déjà le quinzième qui y passait. Cette mission s'annonçait comme le pire ratage de sa carrière. Les forces conciliennes leur étaient tombées dessus et les avaient acculés au fond de la grotte. Et depuis, ils les tiraient comme des lapins. Pourtant, le travail aurait dû être facile, l'objectif étant d'une simplicité enfantine; Se rendre sur un monde non répertorié en prenant le conseil de vitesse, trouver la source du signal et rapporter à son commanditaire tout ce qu'il trouverait. Le groupe avait donc triangulé le signal et creusé la roche pour découvrir une porte blindée. Et avant qu'ils n'aient pu tenter de l'ouvrir, les forces du conseil leurs étaient tombées dessus.
Deux gars de plus venaient de passer l'arme à gauche. Cherl cracha puis activa son virtech après s'être mit à l'écart.
- J'écoute. (Fit une voix.)
- La flotte est déjà là. L'extraction est compromise.
- C'est regrettable. Vous n'avez aucun moyen de la mener à terme ?
- Négatif.
- Passez au plan B. Mais veillez à vous souvenir que je la veux vivante.
- A vos ordres.
Cherl coupa la communication en maugréant. Vivante... Il cracha puis compta les hommes qui lui restaient. Ce n'était ni les meilleurs tireurs, ni les plus malins, mais ils feraient l'affaire. Il leur fit signe de se tenir prêts. Un autre signe, et le groupe se lança dans la mêlée en évitant tant bien que mal les tirs. Puis ils bifurquèrent et quittèrent le combat par un tunnel adjacent. Quelques soldats conciliens les poursuivirent mais ils eurent tôt fait de s'en débarrasser. Une fois hors de portée des ennemis, Cherl activa son virtech.
- Ils ont le colis. On passe au plan B. Ordre à tous les vaisseaux d'attaquer la flotte concilienne. Mais interdiction de tuer tant qu'on ne l'a pas récupérée ! (Tonna-t-il.)
- A vos ordres !
Le silence régnait désormais dans le couloir. Des corps jonchaient le sol et des traces noires marquaient la roche. Les soldats de l'armée concilienne avançaient en rang serrés, l'arme au poing, prêts à faire feu à la moindre menace. Ils sécurisèrent le tunnel de façon méthodique. Tout au fond, ils trouvèrent une porte de métal vieillit par le temps, en partie découverte. Des traces d'impact énergétique étaient visibles sur sa surface. Bagel, le chef de l'escouade, l'examina attentivement et caressa le métal du bout des doigts. Puis, il ordonna le découpage de la porte au laser afin d'éviter tout risque d'endommager ce qui se trouvait de l'autre coté. Il mit également sur pied des rondes pour prévenir tout retour des mercenaires. Mais jamais ils ne revinrent.
Il fallut plus d'une heure aux soldats pour trouver comment attaquer correctement le métal et deux de plus pour ouvrir la porte. L'atmosphère s'alourdit comme les heures s'engrenaient. On pouvait déceler la tension chez les soldats, qui ne cessait de croître, aux regards qu'ils lançaient, aux grognements qu'ils émettaient parfois, à leurs façons de crisper les doigts ou de tenir leur fusil. Bagel les comprenait. L'attente pouvait s'avérer angoissante. L'inconnu plus encore. Et quand les deux étaient mélangés, cela pouvait devenir insoutenable. Bagel avait apprit depuis longtemps a conservé le contrôle sur ses émotions. Mais ce n'était pas chose aisée.
Les ingénieurs venaient d'achever leur travail, offrant une ouverture dans la porte blindée, assez large pour laisser passer deux hommes. Un faible éclat lumineux s'échappait du bunker. Et les soldats reculèrent d'un pas, plus nerveux encore. Bagel demeura immobile durant de longues secondes. Puis, il prit une profonde inspiration et s'engouffra dans le passage d'un pas lent, aux aguets. L'officier embrassa la pièce du regard et ses yeux s'arrêtèrent sur deux jeunes femmes. Il les pointa de son arme par réflexe.
- Pas de mouvements brusques ! (Leur conseilla-t-il.)
Il y eut quelques secondes de battements avant que son escouade ne se décide à le suivre. Les soldats pénétrèrent dans la pièce et encerclèrent le duo, toujours aussi nerveux. Bagel dévisagea les inconnues un long moment de son regard inquisiteur. Elles se serraient l'une contre l'autre et l'officier pouvait sentir la peur émaner d'elles, la lire dans leurs regards. Il réalisa soudain ce qu'impliquait la présence d'humanoïde vivant dans un bunker censé être fermé depuis des milliers d'années et baissa son arme, presque sans s'en rendre compte. Il laissa son regard courir dans la salle. En son centre, se trouvait un terminal assez imposant d'où s'élevait l'hologramme d'une alien qui déclamait en boucle son avertissement. Bagel ne l'écoutait pas. Il connaissait déjà le contenu du message qui avait attiré la Haute Conseillère elle même dans ce système. Il y avait des caissons dans un coin de la pièce et des objets qui traînaient un peu partout, en désordre. Des tuyaux pendaient du plafond et sortaient des murs, indiquant un travail et une installation peu soignés. Ou bien fait à la va-vite et avec peu de moyen. Bagel reporta son attention sur les deux jeunes femmes et les dévisagea de nouveau avec intérêt. Elles ressemblaient à l'inconnue de l'hologramme. Elles appartenaient à la même race, c'était certain, mais il y avait plus, comme un air de... famille. L'officier était conscient que des choses lui échappaient mais il était certain que ces femmes n'étaient pas une menace. Et il pressentait qu'elles étaient d'une importance capitale.
- Baissez vos armes. (Déclara-t-il d'une voix rauque à l'égard de ses hommes.)
Ces derniers hésitèrent. Mais devant le regard de leur officier, ils s'exécutèrent. Bagel s'approcha des Asaris et demeura silencieux un long moment.
- Qui êtes-vous ? (Finit-il par demander.)
Kayla hésita un instant.
- Nous sommes des Asaris.
Les soldats se figèrent et des murmures s'élevèrent.
- Asari ? (Souffla l'un d'eux.)
- Est-ce possible ? (S'enquit Bagel, décontenancé.)
- ça l'est. (Affirma la plus jeune des soeurs.)
- Comment vous croire ?
Itany dévisagea l'officier durant de longues secondes avant de se lever. Les soldats reculèrent d'un pas, nerveux, et raffermirent leur prise sur leurs armes d'un air menaçant. La jeune femme essaya de ne pas montrer sa peur et oublia son coeur qui battait à tout rompre dans sa poitrine. Elle tendit la main vers l'officier. Celui-ci considéra le geste un instant avant d'approcher son visage. La paume entra en contact avec la joue et les yeux de l'Asari devinrent d'un noir de jais.
- Contemplez l'éternité... (Murmura-t-elle.)
Un courant électrique traversa le cerveau de Bagel et des images défilèrent dans son esprit. Il poussa un gémissement, entre surprise et douleur. Ses muscles se tendirent, sa mâchoire se contracta et quelques spasmes secouèrent son corps. La tension monta d'un cran et les soldats mirent de nouveau en joue les soeurs.
- Reculez ! (Ordonna l'un d'eux.)
Mais Itany ne bougea pas et poursuivit son entreprise. Sa peau se couvrit peu à peu de sueur et sa respiration se fit plus chaotique. Elle gémit sous l'effort mais demeura concentrée, ignorant les soldats, absente à ce qui l'entourait. Les yeux de Bagel bougeaient rapidement sous ses paupières tandis qu'il voyait ce que l'Asari partageait avec lui, dans son esprit. Il poussa quelques grognements et se tendit un peu plus. Les souvenirs de la jeune femme se mêlaient aux siens et brouillaient ses sens, noyant son esprit sous une avalanche d'information. Un spasme secoua alors le corps d'Itany qui tomba au sol comme ses jambes se dérobaient et elle ne bougea plus. Kayla sentit la peur nouer sa gorge et retint de peu un hurlement de frayeur. Elle se précipita vers sa soeur et se laissa tomber à ses cotés avant de la serrer contre son coeur. De sa manche, elle épongea le front de sa soeur et la berça doucement.
- C'était de la folie, Tany... (Murmura-t-elle avec tendresse et inquiétude. )
Sa soeur sourit malgré la douleur et plongea son regard dans le sien.
- C'était nécessaire...
Kayla pinça les lèvres mais ne répondit rien. Itany grimaça et ferma les yeux, la douleur se peignant sur son visage. Inquiète, sa soeur continua de la bercer et coula un regard vers l'officier. Ce dernier les dévisageait toutes les deux, le visage livide, marqué par de larges cernes. Le choc avait été rude pour lui aussi et il avait dû reculé d'un pas pour réussir à ne pas chuter à son tour. Des images continuaient de défiler dans son esprit, mais elles se faisaient plus lentes, plus rares. Il déglutit.
- Baissez vos armes. (Murmura-t-il après quelques secondes.)
Ses hommes le regardèrent comme s'il était fou avant de s'interroger du regard.
- Baissez vos armes ! (Répéta l'officier d'un ton plus dur.)
Les yeux empli de méfiance et d'hostilité, les soldats obéirent bien qu'à contrecoeur et jetèrent des regards sombres aux soeurs. Bagel les ignora et s'avança vers les Asaris avant de mettre un genou à terre, les yeux rivés vers le sol. Itany était toujours dans les bras de sa soeur, les yeux clos et le corps en sueur. Celle-ci la berçait doucement. Elle souffrait de ne pouvoir l'aider plus.
- Pardonnez-moi. (Déclara le soldat avec remord.)
Kayla le dévisagea un long moment sans comprendre.
- Pourquoi ? (S'enquit l'Asari, perdue.)
Bagel n'osa relever les yeux et continua de regarder le sol.
- Pour n'avoir pas été à la hauteur. Pour vous avoir menacé de mon arme.
- Pourquoi ?
- C'était une terrible erreur.
- Vous ne faisiez que vous prémunir. Vous êtes un soldat.
- J'aurais dû ressentir votre détresse. J'aurais dû savoir que vous étiez des victimes et non des complices.
- Vous avez combattu devant la porte. (Demanda doucement Kayla. L'homme acquiesça.) Qui ?
- Des mercenaires, des couards sans honneur. (Cracha-t-il avec dégoût.)
- Que voulaient-ils ?
- Vous vendre au plus offrant, certainement.
Kayla caressa le front de sa soeur, pensive. Celle-ci ouvrit les yeux et lui sourit. L'aînée poussa un soupir muet, apaisée. L'inquiétude quitta ses traits et elle aida Itany à se relever. Puis, elle tendit la main vers le soldat.
- Vous êtes pardonné.
L'homme considéra la main un moment avant de la serrer et de se redresser.
- Vous êtes en sécurité, mesdames. Je puis vous l'assurer.
Kayla opina.
- Nous avons des informations d'une importance capitale à donner à qui de droit.
- La Haute Conseillère attend dans un vaisseau en orbite. Je vous conduis à elle sans plus tarder.
Bagel sortit du bunker et activa son virtech dans l'optique de se mettre en relation avec le centre de commandement.
- Falcon O6, ici le capitaine Bagel. Le périmètre est sécurisé. Colis prêt pour extraction.
Il n'y eut aucune réponse. Bagel renifla.
- Falcon O6, ici le capitaine Bagel. (Répéta-t-il.) Le périmètre est sécurisé. Colis prêt pour extraction. Je répète : Colis prêt pour extraction.
Seul le silence lui répondit, entrecoupé de quelques grésillements. Il maugréa et pesta dans sa barbe.
- Un soucis ? (S'enquit une voix dans son dos.)
C'était Itany. La jeune femme avait le visage encore quelque peu creusé, mais souriait avec douceur.
- Des interférences. (Affirma l'officier.) Sûrement.
- Cela arrive souvent ?
- Dans des régions inconnues ? Constamment.
Elle opina et un silence gêné s'installa. Bagel se racla la gorge pour se donner un peu de contenance.
- Et... hum... Vous allez mieux ?
- Oui. Merci de vous en soucier.
Il hocha la tête et tourna son regard au loin.
- Et vous ?
- Oui. (Dit-il sans la regarder.)
Elle se plaça devant lui et plongea son regard au fond du sien.
- Ma présence vous dérange ?
Il la considéra un long moment sans répondre, plongé dans la plus totale des incertitudes. Bagel savait faire beaucoup de choses. C'était un homme plutôt polyvalent et parler aux femmes n'avait jamais été un soucis. Mais après ce qu'il venait de vivre, après cette intrusion dans ses pensées...
- Non, Madame. J'ai juste... Besoin de m'habituer.
- A ma morphologie ?
- Non. A l'échange que nous avons eu.
- Oh.
Elle opina et lui sourit avec compréhension.
- Je suis désolée, je ne voulais pas vous bouleverser.
- Ce n'est pas le cas, Mada...
Bagel se figea au milieu de sa phrase. Son virtech s'activa et des voix résonnèrent dans son oreille.
"- Ils ont prit le pont E !
- Le hangar est bloqué ! ... soucis chass...
Des coups de feu résonnèrent.
- Du gaz toxique dans le système de ventilation !
- ...enlevée !
- Sys... ulsions détruits !
- Toute la puissance sur les boucliers !
- Trop tard !"
Un vacarme assourdissant résonna dans l'oreille de l'officier qui grogna de douleur et éteignit son virtech. Il leva les yeux vers le ciel avec inquiétude. Au loin, les nuages se teintèrent d'orange et de jaune quelques secondes. L'effet se dissipa et se reproduisit une nouvelle fois, puis encore. Et après une dizaine de fois, il s'estompa totalement. Itany ne fit pas le moindre geste, tremblante. Bagel baissa les yeux, la mine sombre. Il appuya sur son virtech.
- Falcon O6, ici le capitaine Bagel. Répondez. (Fit-il, sans grande conviction.)
Il n'eut que des grésillements pour toute réponse.
- Est-ce que ?... (Commença Itany, incapable de terminer sa phrase.)
L'officier opina sombrement.
- La flotte a été détruite. (Déclara-t-il amèrement.)
Ses yeux s'ouvrirent et se fermèrent à de nombreuses reprises. Elle sentait sa tête ballotter dans le vide et quelque chose presser son dos et comprimer son ventre. Son seul désir était de se libérer de cet étreinte qui lui coupait en partie le souffle. Mais ses paupières étaient lourdes et son esprit était trop embrumé. Il lui était impossible de demeurer consciente.
Elle lutta un long moment avant de finalement s'abandonner aux ténèbres.
Quand elle émergea, la lumière lui brûla les yeux et elle mit un moment avant de s'habituer. Elle battit des paupières et regarda lentement autour d'elle. La pièce était sombre et exiguë, et une unique lampe pendait au plafond, illuminant le centre de la salle d'un faible éclat jaunâtre. Les murs étaient fait d'un métal légèrement bleuté et une unique porte donnait accès à la pièce. En dehors de ça, elle était vide. Sil poussa un gémissement en essayant de se redresser. Ses mains étaient liées dans son dos et la position dans laquelle elle était, en plus d'être fortement désagréable, tirait les muscles de ses bras. Elle tenta de se redresser et la douleur s'intensifia, manquant lui arracher un cri. La Haute Conseillère inspira profondément fit une nouvelle tentative. Après plusieurs essais infructueux, elle se concentra sur son environnement et l'étudia au mieux, pour passer le temps, pour oublier la douleur, pour tenter de trouver une issue.
La porte s'ouvrit après de longues minutes et un homme entra. Il installa une chaise face à l'Alran et ressortit. La porte se rouvrit un peu après et quelqu'un pénétra dans la pièce. Il fit face à la captive et la dévisagea un long moment. Sil ne parvenait pas à voir son visage, dissimulé par l'obscurité omniprésente. L'homme évita soigneusement de passer sous la lampe et tourna autour de la prisonnière d'une démarche lente et assurée.
- Bonjour ma chère. (Dit-il d'un ton charmeur.)
- Qu'attendez-vous de moi ? (Lâcha-t-elle sans détour.)
- Tu le sauras bien assez tôt.
Sil fronça le nez. La voix ne lui était pas inconnue.
- Qui êtes-vous ?
- Ce n'est pas la bonne question. (Répondit doucement l'inconnu.)
Il se plaça dans le dos de sa prisonnière et posa ses mains sur ses épaules.
- Ils ne t'ont pas fait de mal, j'espère.
- Vous vous inquiétez pour ma santé ? (Rétorqua-t-elle d'un ton narquois.) C'est un peu tard.
- Je leur ai bien stipulé de ne pas te faire de mal.
- C'est chou. Pourtant, j'ai des douleurs dans les bras.
L'homme ne nota pas l'ironie dans la voix de sa prisonnière.
- Ce ne sont que des brutes stupides. (Déclara-t-il d'une voix peinée.) Mais ils ont leur utilité.
- Que voulez-vous ?
- Ah. Voilà une bonne question.
Il se plaça face à elle et s'installa sur le siège. La lampe l'éclaira et dévoila son visage aux yeux de Sil. La Haute Conseillère le dévisagea quelques secondes d'un air ahuri.
- Toi... (Souffla-t-elle, entre surprise et horreur.)